Rapport père-fille

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ikebana
Rapport père-fille

Bonjour,
Je suis la compagne d'une personne veuve qui a deux filles, dont l'une est mariée avec deux enfants de 7 et 2 ans.
Depuis quelques mois, mon compagnon est en conflit avec sa fille : d'anciennes histoires sont réapparues (je n'étais pas encore sa compagne)alors qu'il était en couple, au sujet du mariage de cette fille, de ces beaux parents qu'ils n'aiment pas, de l'éducation de son fils de 7 ans qui pour lui, est trop gâté par les grand-parents paternels (cet enfant a en plus un problème d'évolution...)de son gendre qu'il dit être trop proche de sa "maman"...
La goutte a fait débordé le vas voici quelques mois, et par la voie du net et par mail, ce sont des reproches et des constats qui ressurgissent.
Mon compagnon n'en dort plus, il ne veut plus "se laisser faire" comme il dit et sa fille avec qui j'ai eu plusieurs conversations concluent en disant que son père déforme toute conversation. Mon compagnon a du mal a accepter que son "premier petit fils" a un probllème (motricité, parole etc....) et pense que les beaux parents paternels enfonce l'enfant dans son handicap.
Le résultat, est qu'il n'a pas vu ses petits enfants depuis plusieurs semaines et il en souffre. Sa fille aussi bien entendu. De plus, il a été très désagréable envers son gendre.
J'ai essayé d'arrondir les angles mais sans résultats.
Je suis triste de tout ça.
Quels conseils pouvez-vous me donner sachant que je ne suis qu'une pièce rapportée dans la famille : malgré tout j'aime les enfants de mon compagnon et les petit enfants bien entendu et je ne veux pas vivre dans le conflit permanent.
Merci de votre réponse.

celine-lemesle
Bonjour,

Votre situation est en effet très délicate dans la mesure où vous êtes comme vous dites « une pièce rapportée » du puzzle familiale.

Toutefois, vous avez comme atout celui d'être probablement à meilleure distance affective vis à vis de tous ces conflits familiaux anciens comme actuels et c'est ce que je vais vous proposer de développer pour répondre à vos questionnements.

Je crois qu'il est effectivement difficile de donner votre avis ou de conseiller dans votre situation, d'autant que vous prenez le risque de vous brouiller avec tout le monde, d'être comme la dépositaire du conflit, si votre démarche pour réconcilier tout le monde devenait trop insistante aux yeux des personnes concernées. D'où mon conseil de grande prudence à ce sujet.

Vous avez néanmoins vos propres limites et cette situation doit également jouer sur le climat de votre couple. C'est peut être sur ce seul point finalement que vous pouvez véritablement donner votre avis et du sens à cette situation, car devenue envahissante pour votre conjoint comme pour vous par extension.

De la même façon, s'il arrivait que vous soyez prise à parti, analyser les réactions de chacun vis-à-vis de votre neutralité affichée vous permettrait, dans le même temps, de mieux comprendre les enjeux de ces liens conflictuels.
Ce serait probablement la meilleure position à adopter. Si vous devez renoncer à arrondir les angles, vous ne devez pas renoncer en revanche à pousser votre ami, comme sa fille si elle vous en parle, à communiquer l'un avec l'autre, sans gendre, sans ami, sans autre famille puisque le conflit émane de la relation père/fille et probablement d'ailleurs avant même qu'elle soit en couple et ait un enfant porteur d'un handicap.

Il est vrai que toutes les familles ne peuvent pas s'entendre et encore moins de façon idyllique. Parfois, certaines familles, aussi étonnant que cela puisse paraitre, s'animent et se réaniment dans le conflit, cela devient leur seul moyen de communication et s'il n'y avait plus de conflit, le lien n'existerait plus non plus !

Le père et sa fille se sont probablement construits sur cette dynamique psychique et les en priver peut parfois, dans certains cas, être plus nocif que réparateur.
Voici précisément la raison pour laquelle « la pièce rapportée » qui veut changer ou faire évoluer trop rapidement cette dynamique, pour une autre qui lui apparait (à elle) plus conforme à la sienne propre (à la façon dont elle a tissé des liens avec sa propre famille), risque un retour de bâton très brutal et qu'elle ne comprendrait pas.

Car finalement, cette démarche de recherche d'apaisement se veut conforme au meilleur être de tous, pourrait t-on penser ! Mais inconsciemment, cela ne va pas forcément en faveur du lien.

Car tout le monde ne veut pas forcément aller mieux... les explications, les bénéfices à ces situations conflictuelles sont parfois déroutantes et le plus souvent cachées (inconscientes).
Cela vient protéger les personnes de plus grands dangers encore... que l'on ne saurait identifier ici.

Vous concernant, cela nécessite alors de composer avec ce sentiment d'impuissance dans lequel vous plonge cette situation et de mettre un peu mieux à distance votre tristesse, en acceptant peut être davantage que ce lien reste finalement suffisamment conflictuel pour que cela tienne entre eux malgré tout.
Vous devez probablement penser que votre position de « régulatrice/médiatrice » entre votre conjoint et sa fille évite la rupture que vous redoutez, voici probablement ce qui vous donne envie de ne pas trop y renoncer.

Sachez toutefois que la rupture, si elle doit s'annoncer, s'annoncera nécessairement, car elle parle des liens plus profondément tissés entre ce père et sa fille.
Peut être se rejouent ils ici de façon d'autant plus intense que la situation du handicap du petit fils, le choix amoureux de sa fille et le rapprochement des grands parents paternels dans la vie de famille réactivent d'autres fragilités plus anciennes au sein de leur relation.

Notez aussi que la problématique du handicap dans les familles est toujours une blessure narcissique épouvantable, et pas uniquement pour les parents !

Chaque enfant handicapé réveille toujours plus ou moins inconsciemment en ses parents, et ici aussi en ses grands parents, la question de la filiation et du devenir pour la génération suivante.
Chaque enfant se veut « parfait », idéal, c'est bien naturel, mais ce processus évolue généralement au fil du temps, à mesure que l'enfant lui-même grandit, s'autonomise, et devient lui aussi capable de dire « STOP : je ne serai pas celui que vous voudriez que je sois, car je ne suis pas comme ça ! Et voilà ce que je veux devenir !»

Ce processus habituel et nécessaire se voit interrompu en situation de handicap plus ou moins prononcé, chaque parent se rejette la faute, car c'est insupportable de penser de près (les parents) comme de loin (les grands parents) que cette situation n'a pas pu être « évitée ou réparée ».

Car la place d'une mère auprès de son enfant c'est d'être la gardienne de cette vie et de la protéger coute que coute.
Le rôle d'un père c'est d'assurer la survivance du couple mère/bébé au début de sa vie puis de permettre à l'enfant de se construire dans sa filiation (savoir d'où je viens, à quelle famille j'appartiens...).

Le rôle des grands parents c'est de rassurer leurs propres enfants sur leur compétence de futurs parents, d'être finalement confirmés dans leur place et fonction.
Parfois les parents se sentent gratifiés du regard de leur propre parent, parfois ils se sentent malmenés, mais quelque soit cette dynamique en jeu, elle apparait toujours comme les traces de la relation antérieurement tissée.

La question du handicap de votre petit fils soulève les questionnements aigus relatifs aux places de chacun et les mets implicitement à mal.
C'est là toute la question du deuil qui est à engager pour chacun d'entre eux, relativement à la place qu'ils occupent vis-à-vis de ce petit garçon en souffrance. Car finalement c'est bien de la souffrance de ce petit garçon sur laquelle il s'agit de se concentrer.

Si les parents sont les garants exclusifs des choix à faire vis-à-vis de leur enfant, dans le respect de ce dernier bien entendu, les grands parents peuvent y contribuer en les rassurant dans leurs actions.
Je vous conseille donc de proposer le plus possible à votre conjoint et à votre belle fille de parler ensemble sans personne interposée et de soutenir votre ami dans la délicate tache qui lui incombe à savoir : soutenir authentiquement avec sincérité le choix de ses enfants pour leurs propres enfants et même s'il n'est pas d'accord avec eux et qu'ils émanent prétendument de la belle famille.

Souvenons nous que nos enfants ne nous appartiennent pas, les parents donnent les bases puis les enfants en grandissant en font ce qu'ils en peuvent, ce qu'ils en veulent, cela n'appartient qu'à eux une fois adulte !

La gratification de votre ami adressée à sa fille permettra alors à ces parents malmenés narcissiquement (blessure liée au handicap de leur enfant) de lever en eux le très probable sentiment de culpabilité avec lequel ils se débattent dans l'ombre (avoir eu un enfant handicapé, mal faire, être incompétent....).

Nous sommes alors en droit d'espérer qu'une fois ce deuil accepté de la part de votre ami, plus vos beaux-enfants se sentiront accueillis sans jugement, moins ils appréhenderont de se rapprocher de vous.

Bon courage, Cordialement

Céline Bidon-Lemesle,Psychologue Clinicienne

Céline Lemesle, Psychologue

ikebana
Bonjour Madame,
Je reviens vers vous suite à votre message ci-dessus très enrichissant.
Cette histoire n'est toujours pas terminée. J'ai mis votre réponse à la vue de mon compagnon qui a lu, mais n'en a pas tenu compte vraiment, quant à moi, je me suis mise en retrait.
A ce jour, le conflit perdure entre mon amie et sa fille.
Depuis, il y a eu des vexations, des non-dits qui ont été révélés et ainsi de suite.
En conclusion, mon ami a tranmis un courrier recommandée à sa fille précisant qu'il irait au tribunal s'il ne voyait pas ses petits enfants.
Par ailleurs, j'ai été un peu en cause à mon insu : il semblerait (mais sans certitude) que c'est moi qui influence le père. Je vous explique : ma "belle fille", si je peux l'appeler ainsi, a des très bon rapports avec ses beaux parents. Mon compagnon est aussi en conflit avec cette "belle mère" qu'il accuse de malveillante depuis le décès de sa femme. En effet, elle reste la seule "mamie" des petits enfants et en profite à tel point qu'elle a demandé à ses petits enfants de ne pas m'appeler "mamie" (je ne suis pas mariée avec mon compagnon et pour rappel ce sont "ces petits enfants"). Depuis il est dans une colère noire, et un contentieux depuis le mariage de sa fille est venu ternir les relations.
Pour résumer :
- conflit "sous-jacent" ave la belle mère qui n'a jamais voulu s'expliquer avec le papa de sa belle fille,
- conflit avec sa fille qui soutient sa belle mère (n'ayant plus sa maman décédée depuis 5 ans)
- conflit avec son gendre qu'il ne supporte plus.
- plus de visite des petits enfants.

Voilà le triste tableau.
Je pensais appeler ma "belle fille" pour lui prouver ma neutralité.

Je suis donc partagé entre deux personnes :
- la fille que j'aime beaucoup,
- le papa, bien entendu, que j'aime

Néanmoins, j'ai eu à remarqué certaines choses lorsqu'ils venaient encore tous à la maison (lydie, son mari et les enfants) que je n'ai jamais dites à mon compagnon, et pour lesquelles je suis d'accord avec lui.

donc me voilà partagée.

Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez. Merci par avance de votre réponse précieuse.
celine-lemesle
Bonsoir madame,

Vous faites, comme je le pensais, le constat d'une relation basée sur des liens conflictuels entre votre ami et sa fille. Et cela donne à penser qu'ils ne parviennent, à ce jour, à communiquer que par le biais d'un tiers, et en l'occurence maintenant avec celui de la LOI.

Je déconseille toutefois à votre ami cette option, qui, s'il est vrai assure aux grand parents un droit de visite auprès des petits enfants; n'ira jamais contre l'équilibre de l'enfant. Sachez que le juge n'ira probablement jamais en faveur d'un dispositif qui mettrait l'enfant en porte à faux vis à vis de ses propres parents, et particulièrement si la relation apparait trop conflictuelle avec les grands parents.
De plus, il me semble que vous devez faire valoir à votre ami ce sur quoi il va tisser son lien à ses petits enfants, à savoir des affects négatifs.

Votre ami se sent probablement injustement mis à l'écart de la famille nouvellement consituée par sa fille et dans laquelle il lui est fait clairement ressentir qu'il ne fait plus autant parti. C'est plutot de cette question là dont il me semble parler à travers son courrier par lettre recommandée.

Si mon propos n'a pas changé quant à mon conseil de prendre de la distance pour vous dans cette affaire, en revanche il me semblerait opportun de lui faire part de votre avis sur cette démarche et surtout la suite qu'il sohaite lui donner.

Pour ma part, il me semble peu probable qu'elle aboutisse à ce qu'il recherche officiellement: à savoir retrouver ses petits enfants et sa fille. Mais peut être doit il passer par ce principe de réalité pour pouvoir se repositionner par la suite.

Je comprends votre position de loyauté envers votre ami et le soutien que vous lui apportez, mais vous n'êtes pas obligée de valider son attitude si vous ne la trouvez pas pertinente.

Enfin, garder des liens avec votre belle fille est envisageable à condition de ne pas être placée en situation de devoir faire tiers entre eux. Si cela reste séduisant pour arranger tout le monde, cela sera, comme je vous l'ai déja dit, à vos risques et périls.

Je vous souhaite quoiqu'il en soi bonne continuation.

Céline Bidon-Lemesle

Céline Lemesle, Psychologue