Article 1 : Présentation de la conférence ANPEIP

Sommaire de la conférence

Bonjour à toutes et tous,

Je suis très heureuse d’avoir été invitée par mesdames Catherine Verger (Présidente Ile de France de l’ANPEIP) et Sylviane Yzet (Vice-présidente ANPEIP) pour intervenir auprès de vous aujourd’hui sur un sujet qui me tient à cœur, qui cultive et émule ma pratique professionnelle en libéral depuis une vingtaine d’années. 

J’ai débuté ma pratique de Psychologue Clinicienne / Neuropsychologue, dans le secteur du handicap « sévère » (en MAS, IME et IMPRO) et parallèlement en cabinet libéral. Je réalisais au tout début de ma pratique professionnelle en cabinet des bilans cognitifs, neuropsychologiques et projectifs et à cette occasion j’ai pu rencontrer des enfants et des parents HPI, ainsi que des enseignants, dans le cadre de la construction de PAP, PAI, PPRE... oui les appellations ont changé en 20 ans. 

J’ai finalement cessé la pratique du bilan pour plusieurs raisons : j’ai souvent été confrontée au clivage des professions et à la mise en demeure des projets, et j’ai fini par avoir du mal à supporter la frustration des familles et la mise en échec parfois des propositions, dans la mesure où elles sont difficilement réalisables sur le terrain, et plus encore aujourd’hui. 

J’ai souvent été confrontée, pour ma part, à l’absence d’intérêt, parfois au dénigrement de certains professeurs, remettant en question la spécifié intellectuelle et l’accompagnement particulier de ces enfants HPI. J’ai également pu observer le manque de formation des équipes enseignantes, ou bien encore l’épuisement des professionnels pourtant investis mais devant favoriser l’enseignement du plus grand nombre. Les recommandations gouvernementales scolaires vont d’ailleurs dans le sens d’un seul mode d’apprentissage attendu et dispensé à tous les élèves sous un format unique, devant leur correspondre et auquel chacun doit s’adapter.

Certains aménagements sont toutefois en émergence à l’initiative de l’Education Nationale. Deux établissements sur Paris (Collège et Lycée Brassens Paris Nord et Janson Paris sud) ont ouvert des sections scolaires pour les élèves HPI et Florence PARIS a été nommée référente EIP Paris depuis 2012 pour proposer des mesures d’accompagnement plus adaptées au sein des établissements scolaires sous contrat d’Etat, en concertation avec les enseignants, les familles et les élèves HPI.

 

Par ailleurs, cette pratique clinique et diagnostique du bilan reste pour autant un outil de compréhension très précieux que je remets en perspective auprès de mes patients pour mieux appréhender leur situation et leur apprendre à mieux se connaitre et se décoder. Car finalement mieux se connaitre, permet aux personnes d’accepter au mieux leur condition (force comme fragilité) et de prendre de bonnes décisions pour trouver leur place au plus près d’eux même sur la terre et avec les autres.

Je viens peut être aussi tout juste de réaliser qu’il aura fallu 30 à 40 ans pour travailler et obtenir l’inclusion scolaire des enfants handicapés mentaux sur l’autre partie du continuum de la courbe de Gauss, et que le sujet de la précocité et de sa prise en charge adaptée en milieu scolaire en France, quant à elle, ne date officiellement que de 2013 (EDUSCOL, prise en charge des enfants précoces à l’école, document à télécharger). 

Document EDUSCOL

 

Alors, pour tous les enfants HPI et leurs parents qui ne voient pas en l’école une  issue favorable à leur situation particulière pour le moment, nous pouvons, nous nous devons, parents comme professionnels, de proposer des alternatives aux enfants HPI. 

Car si l’école revêt une dimension très importante dans la vie d’un enfant et de ses parents, elle ne sera pas l’unique solution pour toutes et tous, et n’en demeure qu’une seule parmi les multiples facettes qui façonneront sa vie et dont il aura besoin pour s’épanouir : c’est ce que mon intervention de cet après-midi se propose de développer.

Un enfant HPI se distingue de ses pairs par l’intensité de son lien aux autres et sa façon particulière d’appréhender le monde.

S’il nécessite en effet des besoins et parfois un accompagnement spécifique, il n’en demeure pas moins un enfant et la difficulté que suscite ce fonctionnement si particulier a des conséquences sur la relation parent/enfant : 

  • en même temps que l’enfant HPI recherche et a besoin de limites au regard de sa puissance psychologique, émotionnelle et intellectuelle omniprésente, l’enfant HPI suscite dans le même temps et probablement en miroir (sur son parent), un grand besoin de parole, d’explications, de justice, de justesse et d’équité dans ses liens affectifs,
  • la hiérarchie parent/enfant tend alors à s’effacer au profit d’une relation à équidistance, parfois préjudiciable au fonctionnement systémique et aux enjeux sociétaux futurs de l’enfant.

C’est à la lumière de ces regards croisés et holistiques que j’investiguerai principalement les dimensions : éducative (parentale), systémique (fratrie, famille), sociale (relation et amitié) et je finirai par la vie personnelle de l’enfant (développement affectif et estime de soi), eu égard aux périodes de vie qui l’anime et le traverse.

J’aurai ainsi à cœur de traduire, au travers de mes expériences cliniques et thérapeutiques, toute la complexité que revêt l’exercice d’être parent d’un/d’enfant(s) HPI (et Dys associés) dans un système normatif ainsi que les dispositifs singuliers et fondamentaux susceptibles de le révéler et de l’équilibrer, pour qu’il se sente bien «chez lui». 

La majorité des consultations pour enfants s’articule autour de troubles du sommeil, alimentaires, sphinctérien (propreté) et troubles de la séparation, les crises de colère vis-à-vis de la frustration…

S’il est difficile de poser un diagnostic au pied levé, la clinique empirique nous renseigne pourtant sur les difficultés précoces que les parents rencontrent avec leur enfant HPI au regard des besoins primaires qui semblent déjà, tout petit, traduire un fonctionnement différent et complexe pour la vie familiale et sociale : 

Question sommeil et séparation « Mon enfant ne veut pas se coucher, il lutte, il veille, il tournicote dans son lit, il m’appelle, me réveille, est anxieux, se lève à 5h du matin, c’est une pile électrique, il fait des cauchemars, des terreurs nocturnes depuis qu’il a six mois, je n’arrive pas à le réguler et à le calmer, il ne veut pas me lâcher quand je le laisse chez la nourrice, à la crèche, il pleure, crie et met très longtemps avant de se récupérer après mon départ … ». 

Question alimentaire : « mon enfant a des préférences alimentaires, il ne veut rien manger en dehors des produits laitiers, de la semoule, du blé… »

Question sphinctérienne : « mon enfant se retient, il se cache pour faire dans sa culotte, ne veut pas aller aux toilettes en dehors de la maison, … »

Question comportement : « mon enfant se roule par terre quand on lui dit non ou qu’il est frustré, il crie, vrille en une seconde, et met des heures avant de se calmer… »

Toutes ces particularités, décrites au décours du développement précoce de l’enfant, suggèrent des signes cliniques qui, mises bout à bout, composent parfois le tableau de la précocité.

Les parents sont souvent démunis, en perte de confiance éducative lorsqu’ils sollicitent un rdv, ils ont également le sentiment d’être incompétents et supportent mal le regard de leurs proches qui ne comprennent pas leur façon d’agir avec leur enfant. 

Un cadre sous tendu par des valeurs familiales, une discipline repérable, bienveillante, ferme, ritualisée et stable pour l’enfant, et  mise en œuvre par le parent de façon conscientisée et ciblée seront autant d’outils nécessaires à l’équilibre de l’enfant HPI.