Enfants victimes d'inceste

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lala77
Enfants victimes d'inceste

Je souhaiterai vous poser quelques questions:

Quelle est votre formation? Et y-a-t-il des masters spécialisés pour exercer avec les enfants victimes d'incestes (ou autre, mais qui engloberait ce point)?

Quelles sont les difficultés auxquelles vous devez faire face lorsque vous recevez des patients de ce type?

Quels sont les soins les plus appropriés lors de ces situations? (arthérapie, musicothérapie ou alors le dessin lors d'une simple thérapie?)

Combien de temps durent en moyenne les thérapies engagés avec ces patients?

Peut-on considérer qu'ils sont atteints d'une pathologie?

Merci d'avance

celine-lemesle
Bonjour,

Je pense qu'il existe, en complément d'une formation initiale de psychologue / et ou de psychiatre, des DU spécialisés en psychopatho enfant et qui traitent de la violence familiale, physique et psychologique. L'université d'été de Québec (en lien avec paris V) via le DU criminologie, traite ce chapitre il me semble.

Pour exercer auprès de cette population sensible, il faut obtenir un master II en psychologie clinique générale ou de l'enfant, puis commencer à travailler en structure plutôt que seul(e). Structures telles que celles de l'ASE, MECS, foyers pour jeunes, centre d'accueil familial.. voire en tant que psychologue au sein de la Police, afin d'être protégé(e) par une structure dans un premier temps.

Vous pourrez par la suite vous installer en libéral, une fois que vous aurez suffisamment d'expérience sur le sujet tant d'un point de vue administratif (signalement) légal, que psychologique.

Ce travail est très couteux psychologiquement pour les thérapeutes car il renvoie à des situations marginales qui font effraction à la plus grande LOI qui régie les hommes: celle de la maltraitance enfantine et de l'inceste, qu'il s'agisse d'un père, d'une mère, d'un oncle, d'une tante... la plupart des cas arrivent d'ailleurs au sein de la famille ce que les gens peinent à croire, tellement cela parait inimaginable, et encore moins lorsqu'il s'agit d'un inceste de la part de mère.

Les signes de tramas psychiques chez les enfants s'interprètent souvent à l'aide des éducateurs et référents en charge de l'enfant qui signalent des comportements inhabituels en lien avec les jeux, les poupées, les attitudes à l'école... et en consultation clinique via la répétition de dessins qui n'ont pas nécessairement de traduction symbolique forte.

La plupart du temps les enfants victimes de sévices sexuels n'ont pas conscience de la gravité de ces actes, qui sont enrobés par une parole perverse de l'adulte qui banalise ces actes et sont très culpabilisants.

Les enfants n'en parleront jamais spontanément, les jeux, les dessins permettent au fur et à mesure pour l'enfant de détrôner et de supplanter sa loyauté envers son parent, en montrant ce qui lui est arrivé. C'est de la répétition des mêmes dessins en consultation que nait la conviction du psy sur la dimension traumatique en toile de fond.

Certains ouvrages recensent les analogies de dessins d'enfant (le dessin du bonhomme) qui ont été victimes de maltraitance, certains livres témoignages expliquent de façon implacable la dimension qui unit l'enfant à son agresseur, la relation de l'enfant au parent qui n'a pas voulu voir et qui a protégé l'agresseur au détriment de son enfant ( Rien ne s'oppose à la nuit Delphine De Vigan)...

Pour ce qui concerne la thérapie d'enfants victimes d'inceste vous trouverez de bons ouvrages avec les auteurs comme Philippe Mazet, Serge Lebovici, Martine Nisse et Pierre Sabourin).

J'ai pour ma part beaucoup bilanté d'enfants via l'ASE qui étaient victimes de maltraitances en tous genres. Le suivi de ces enfants se fait surtout au sein de la structure d'accueil où ils sont accompagnés. Et cela est bien normal puisque la plupart du temps les parents agresseurs n'accompagnent pas leurs enfants chez le psy pour ce problème.

Je m'occupe beaucoup plus régulièrement d'adulte qui pour la plupart n'abordent pas cette question de prime abord, c'est quelques semaines voire quelques mois après le début de la thérapie que se soulève cette question, souvent par intuition du psy, le patient y répond alors s'il a confiance.

Le suivi de ces patients varie en fonction de leur capacité de résilience. Mais le suivi prend généralement plusieurs années.
Je leur explique le plus souvent ce qu'une action en justice peut générer en tous points et nous évaluons ensemble la teneur de leur décision, que j'accompagne par la suite.

Pour les enfants, il me semble qu'il est surtout très important de redonner les limites, d'expliquer que ce qui a été fait n'était pas normal, et de travailler aussi à l'enjeu de séduction (complexe d'&oeligdipe) qui culpabilise beaucoup les enfants.
Des livres très bien conçus sur le sujet (zizi zezette, ou le masque, ou encore j'ai le droit d'être un enfant) traite indirectement du sujet et sont de bons supports explicatifs.

Ces suivis chez les jeunes enfants ne sont pas nécessairement longs sur la durée, mais il est probable qu'à l'adolescence, à l'âge adulte, à la période de la maternité, ou de la paternité chez un homme, se rejouent ces traumas et qu'une psychothérapie soit nécessaire.

Pour conclure, dès que nous le pouvons, il me semble très important d'informer les enfants très jeunes à travers la prévention (via les livres cités) sans les "traumatiser", leur expliquer qu'il peuvent très tôt dire "non" si on veut les toucher, que leur corps est à eux!
L'éducation à la toilette autonome très jeune, l'éducation à l'auto-défense comme par exemple de dire à son enfant que l'on doit "crier très très très fort" si on l'embête... et faire une initiation au cri sous forme de jeu sont des actions préventives essentielles. Car dans 90% des cas, lorsqu'un pédophile approche l'enfant, crier suffit à le faire renoncer et permet à l'enfant de se sauver.

Je vous souhaite bonne suite dans vos projets!

Céline Lemesle, Psychologue