Relations affectives difficiles

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soleil1
Relations affectives difficiles

Bonjour,

J'ai envie de commencer par une question: qu'est-ce qu'être un adulte?

J'ai 29 ans, je suis célibataire... depuis toujours ai-je envie de dire, tant les quelques relations affectives vécues jusqu'ici ne s'apparentent pas à de vraies relations. Je suis tombée amoureuse 2 fois, l'une à 15 ans, l'autre à 18 ans, sentiment certainement suscité par un transfert (il s'agissait de 2 professeurs).

Mes parents se sont séparés très tôt, les relations avec mon père ont peu à peu véhiculé que de la contrainte et de la colère (peu de communication, pas d'affection marquée).
J'ai vécu une partie de mon enfance avec ma mère et ma soeur, j'étais une enfant dynamique, bavarde, enjouée, rigolote même, j'avais des copines. Je jouais beaucoup, le jeu avait une place importante dans ma vie d'enfant. Je trouve important de le souligner tant il me semble que le jeu est un axe majeur du bon développement d'un enfant.
Ma mère a vécu et vit des épisodes dépressifs, c'est une mère gentille mais peu affective et peu attentionnée. Elle s'est mariée avec un homme impulsif, verbalement malveillant, physiquement aussi parfois. Il était imprévisible et exerçait une forme de violence morale sur nous. J'étais alors au début de mon adolescence. Nous avions peur de lui, de ses réactions et de ses accès de colère imprévisibles, nous devions exécuter ses ordres sans émettre un avis, sans s'opposer, sans manifester la moindre humeur. J'ai assisté à des scènes de violence importantes au cours desquelles il pouvait renverser tout ce qui se trouvait à proximité de lui. Il hurlait très fort et ses menaces nous glaçaient le sang. Il m'était très difficile de rester dans la même pièce que lui, de supporter son regard sur moi. Les repas pris en sa présence étaient un véritable calvaire et un vrai apprentissage du self-control. Il fallait se contenir même si sa présence était insoutenable. Je prétextais parfois un mal de tête ou de ventre pour m'abstenir de cette corvée et je pouvais rester la journée entière dans ma chambre, sans manger,pour ne pas le voir. Parfois, cela faisait des étincelles, évidemment.

Mais, au-delà de cette pression morale, ce qui me faisait le plus peur, c'était qu'il fasse du mal à ma mère, qu'il la tue. Combien de matins me suis-je réveillée angoissée de trouver ma mère morte? Beaucoup... Les retours de l'école, les week-end chez mon père, tout éloignement de la maison m'offrait de longues heures d'angoisse nourrie par cette peur de perdre ma mère. Je ne vivais que pour l'aider, la soulager, l'aider à s'occuper du dernier né, je calquais mon humeur sur la sienne, la voir rire me rendait joyeuse, la voir pleurer ou déprimée me rendait très triste. Ma seule volonté était de soutenir ma mère et d'essayer de lui rendre la vie plus agréable. Je l'écoutais beaucoup se plaindre, se lamenter, j'essayais de l'aider, de lui donner des conseils. Un jour, ma mère m'a dit que je ferai un "bon psy". Aujourd'hui, la simple évocation de cette phrase me fait bondir. J'avais 14 ans.
Je menais par ailleurs une vie de collégienne et de lycéenne épanouie, j'aimais l'école, l'apprentissage, j'aimais le travail scolaire et ses contraintes, sa rigueur. J'avais mes amis, heureusement, je sortais aussi, comme beaucoup d'ados.

Depuis 6 ans, mes relations avec ma mère sont très difficiles et communiquer avec elle m'est très difficile. Je me sens mal en sa présence, je lui parle peu, je suis agressive et je ne me sens pas moi-même en sa présence. Ma voix change lorsque je lui parle, je ne peux pas manifester d'émotions en sa présence. Il m'est, par exemple, impossible de rire devant elle. Je peux rester dans la même pièce sans lui parler, sans même pouvoir la regarder dans les yeux, comme si sa présence me dérangeait, comme si je ne supportais pas son regard sur moi. C'est très étrange de se sentir autre devant ses parents (je ressens aussi tout ça avec mon père, un peu moins peut-être). je ne lui parle jamais de ma vie, elle ne connaît rien de ma vie, pas mes amis, mes sorties. Evidemment, je n'aborde jamais mon célibat. Elle, elle me parle pour me parler des ses problèmes de couple (toujours avec le même homme), parfois je l'écoute, parfois je m'agace et je ne mâche pas mes mots, je l'encourage à se sortir de cette vie gâchée. Je souffre beaucoup de cette situation mais je ne vois pas comment je pourrais arriver à la faire évoluer tant évoquer tout ce que j'écris là avec ma mère m'est impossible.

Je souffre aussi de cette vie affective et sexuelle inexistante et mon mal-être a augmenté depuis plusieurs mois. L'approche de la trentaine certainement,mais aussi ce vide que l'on ne parvient pas à comprendre, à combler. Le sentiment d'une vie à moitié gâchée.
Pourtant, je suis quelqu'un de sociable, j'ai le contact avec les gens plutôt facile, je vais vers les autres et j'aime ça. J'ai un métier prenant où le contact avec les autres, les enfants est en première ligne. Je provoque des rencontres aussi parfois (même si ça se raréfie maintenant) mais lorsqu'il s'agit d'approfondir une relation, je pose quelques distances, j'ai peur de l'intimité avec un homme. La relation me coûte, je m'éloigne, ne me confie pas, ne me donne pas. Inévitablement, la personne finit par me quitter... Je ne parviens pas à m'imaginer en couple, je n'arrive pas à surmonter mes complexes physiques (une forte pilosité qui me gêne beaucoup dans mon rapport au corps, soyons précis !)et avoir une vie sexuelle me semble impossible. Je souffre beaucoup de cette situation et j'en ai conscience. J'ai consulté une psychologue pour la première fois il y a peu, enfin, et le second rdv arrive avec son lot d'interrogations: vais-je arriver à parler de ce blocage sexuel qui me fait honte? Vais-je supporter le regard de la psychologue au moment où il faudra l'aborder? Vais-je y arriver? Vais-je mentir et m'inventer une histoire, esquiver encore une fois? Je ne sais pas... Je crois que l'écrire aujourd'hui me permet de préparer le terrain en quelque sorte, m'aide à le formuler en amont pour que ce soit plus facile lorsque il sera temps d'en parler.

Je crois que réitérer ma question ne serait pas de trop après ce très long message qui me surprend moi-même: qu'est-ce qu'être adulte? Est-ce toujours cette quête de reconnaissance envers un tiers inaccessible?

Merci de m'avoir lue (si longuement!).

celine-lemesle
Bonjour,

Tout d'abord merci pour ce message sincère qui fera sans doute écho à beaucoup d'autres.

Pour répondre à votre question je crois que devenir adulte fait souvent très peur car cela est souvent associé à la perte des repères qui nous a construit étant enfant. On croit bien souvent qu'il va falloir renoncer à ses sentiments, ses pensées, ses envies, car être adulte c'est dur et impitoyable!!!

Je crois aussi en vous lisant qu'il y a de quoi ne pas vouloir grandir trop vite si c'est pour se séparer (divorce parental)puis avoir une relation amoureuse terrorisante...

Seulement voilà, vous n'êtes pas votre mère et vos choix même s'ils ressemblent parfois à ceux de votre mère, vous êtes en train de vous donner les moyens pour les repérer en faisant ce travail psychologique, preuve de votre désir d'aller mieux et de comprendre ce qui se joue en vous.

Le regard de cette psychologue se voudra sans doute soutenant et certainement pas jugeant. Je pense que cette évocation autour des problématiques relationnelles et sexuelles (qui en découlent naturellement)lui permettront de comprendre les enjeux sous jacents de votre situation avec plus de finesse pour vous aider.

Il est important de comprendre en psychothérapie que nous projetons bien souvent sur le regard du thérapeute nos angoisses, transferts affectifs, en l'occurrence peut être pensez vous qu'elle portera un regard maternel sur vous.

Ce sera sans doute le cas, mais ce sera aussi un nouveau regard "maternel" et surement pas celui de votre maman, de votre s&oeligur, de votre beau père ou de votre père et c'est bien là l'intérêt de la psychothérapie, qui consiste à nous faire entrevoir de nouvelles issues et perspectives pour se réparer de situations qui nous font terriblement peur.

Maintenant, je pense aussi qu'il ne faut pas précipiter les choses et que prendre le temps pour énoncer ce qui est douloureux vous donne aussi des "respirations" entre chaque séance.

Le temps et l'élaboration au sein de ce travail vous donneront progressivement les outils nécessaires pour comprendre les enjeux profonds de vos peurs.

Mais, les comprendre ne suffit pas, il faut les éprouver en séance et surtout les exprimer, les verbaliser pour les dompter et changer ainsi le cours que l'on souhaite donner à sa vie.

Vous verrez que vous saurez reprendre le contrôle de votre vie, que vous en êtes capable de mieux en mieux, petites victoires après petites victoires. Et que décider de ce que vous souhaitez donner comme contours à votre vie quotidienne et affective seront plaisants et rassurants. C'est un long processus, car vous avez longtemps été mise sous le régime de la peur et vous vous y êtes habituée, ce sont vos repères actuels et il va falloir les contrer, aller vers cet inconnu qui peut paraitre encore plus déroutant et inquiétant: la bienveillance et le bonheur d'être à deux. Car ce que l'on ne connait pas fait toujours bien plus peur que ce qui est connu même si c'est perturbant et anxiogène (hurlement et menaces).

Je vous souhaite bien sur de réaliser ce beau travail qui vous attend avec détermination et confiance.

Bonne continuation

Céline Lemesle, Psychologue