Article 3 : La vie de famille et la dynamique fraternelle avec les enfants HPI

Le stress de votre enfant HPI, décrit comme « hypersensible et susceptible », peut influencer et « déteindre » sur le comportement  des autres membres de la famille. Cet enfant peut accaparer la parole, provoquer des conflits. 

Son besoin de maitriser, de tout contrôler, sa tendance à être parfois autoritaire, à s’infiltrer dans les failles de l’autres, à pointer chaque incohérence, peuvent irriter à juste titre l’entourage, donner l’impression d’être manipulé, tout cela n’est pas simple à vivre et à gérer quotidiennement.

Livre arbreEtre également en miroir de son propre enfant peut confronter le parent à une impasse : comment aider mon enfant à mieux se comporter avec autrui, à adapter ses comportements, alors que je n’y parviens pas toujours moi-même en tant qu’adulte ?

Mais à bien y réfléchir, où peut-il mieux, que dans sa famille, expérimenter la vie  en société ? Avec toute l’attention et la bienveillance que vous lui apportez pour composer avec ses particularités, il vous est donné l’opportunité de l’aider à décoder ses attitudes, ainsi que celles des autres. 

Chaque situation vécue comme un échec est, contre toute attente, une formidable opportunité d’apprendre de nouveau sur soi et de progresser, comme le dit si bien Jane Nelson. Chaque enfant doit trouver sa place au sein de sa famille, de sa fratrie et de la société, ce n’est pas inné ou si évident pour un enfant HPI, pas plus que pour ses parents, cela s’apprend !

Faire une place et valoriser chaque enfant de la fratrie

Votre enfant à HPI est souvent vu de façon idéalisée, de par ses compétences et ses facultés hors normes, il étonne, et ce regard influence progressivement et inconsciemment les attitudes que l’on adopte à son égard. 

De par son besoin de réassurance, et parce qu’il étonne, il peut être mis sur un piédestal. Or, bien qu’il ait des particularités de fonctionnement, il demeure un enfant « comme les autres ».

Il a le droit au respect de sa singularité, ni plus ni moins que ses frères et sœur. Vis à vis d’une fratrie, il peut être utile de faire tester les autres enfants car il n’est probablement pas le seul. Cela participe au sentiment d’équité et souligne l’appartenance familiale. 

Le bilan cognitif

Nul besoin de faire état des scores qui réduisent l’enfant à une valeur et accentue la rivalité potentielle entre les enfants et la compétition du plus doué. Ces résultats sont de nature privée, et se doivent d’être restitués dans une démarche psycho-dynamique, permettant à l’enfant de mieux se comprendre d’une part, de renforcer et développer certains domaines d’autre part.  

Attention à ne pas coller des étiquettes sur vos enfants, veillez à préserver leur liberté d’être comme ils le veulent, et pour cela aidez-les à développer leur centre d’intérêt personnel, leur singularité, vous éviterez ainsi leur comparaison. Apprendre à se connaitre soi-même (métacognition), en tant qu’enfant, fait gagner du temps pour la vie entière.

Amour parental et fratrie

Amour parentalJe propose souvent aux parents de travailler eux même à la question de l’amour parental et à questionner leurs propres représentations à ce sujet : ils disent souvent « j’aime tous mes enfants pareil », de la même façon, en gage d’équité, et de réassurance pour leurs enfants. Il est probable que cette représentation s’établisse pour rassurer sa propre parentalité. 

Mais les enfants ne s’y trompent pas. Ils me parlent le plus souvent, en thérapie individuelle, d’un sentiment de déséquilibre dans le partage de l’amour, en quantité mais aussi en qualité de lien. Bien que les perceptions soient subjectives et sont à travailler au niveau inter-personnel, je ne crois pas qu’il soit bon de nier les enjeux fantasmatiques, transférentiels et les affinités affectives évidentes que chaque parent ressent pour chacun de ses enfants. Aimer un enfant consiste avant tout à aimer une personne singulière, arrivée dans un contexte particulier : 

  • l’ainé fait de son parent un parent et a pour mission d’ouvrir la voix aux suivants avec tout ce que cela comporte (anxiétés parentales, peur de ne pas être à la hauteur, exigences parfois…),
  • le second conforte dans la fonction parentale (il se comporte souvent en contre de l’ainé pour exister, se distinguer du premier né, il sera tout le contraire) et un assoit le système familial plus normatif (deux parente et deux enfants), 
  • le troisième ouvre à la notion de mini société et fait le lien, 
  • le quatrième équilibre de nouveau la famille en relation duales et apaise les possibles conflits triangulaires qui peuvent se jouer dans la fratrie en relation à trois enfants. 

Comment imaginer dans un contexte si psycho-dynamique que l’amour se traduise de la même façon pour tous ? 

Si un effort doit être absolument déployé pour qu’une relation en temps quantitatif soit possible de façon équitable entre tous, la qualité et la nature du lien diffère inévitablement et les enfants HPI ne s’y trompent pas. Rien de pire pour l’enfant HPI que de lui dire je t’aime comme ton frère et ta sœur, ni plus ni moins ! 

Il est très important d’identifier ce que vous aimez en chacun de vos enfants, et le lui expliciter lorsque cette discussion se présente pour prévenir les écueils suivants et notamment le sentiment que sa différence et son besoin de reconnaissance associé, soient gommés à double titre : l’enfant HPI se dit : 

  • je suis donc comme les autres dans les yeux de mon parent alors que je ressens en moi une si grande différence vis-à-vis du reste du monde que je ne m’explique pas : ils ne me comprennent vraiment pas, l’enfant HPI vit une formidable déception, la confiance est entachée, l’enfant comprend alors de son parent qu’il n’est pas compris et craind de ne jamais l’être, la confiance peut alors s’effriter.
  • je n’aurai donc aucune valeur, aucune plus-value, aucune distinction propre, puisque tu me dis être aimé de façon identique à mes frères et sœurs, je vais donc me soumettre à leur regard en existant comme ils le souhaitent, ou en me rebellant de plus belle pour qu’ils me voient tel que je suis vraiment.  

Lorsque vous constatez qu’il y a un déséquilibre car votre enfant HPI ou l’un de vos enfants HPI mobilise une grande partie de votre attention et de votre énergie, interrogez-vous sur le sens que cela a, et sur les raisons qui vous poussent à cet écueil. Cela peut traduire :

  • un manque de régulation et de cadre, générant des mécanismes néfastes (avoir l’ascendant sur les autres enfants de la fratrie), 
  • un sentiment d’injustice et de jalousie le poussant à se substituer à la fonction parentale (l’enfant prend la place des parents auprès de la fratrie)
  • un sentiment d’être laissé à lui seul, le poussant à développer le syndrome de superman : sauver les autres, parfois même contre leur gré !

Il sera très important de traduire clairement la situation, de repositionner la place et les rôles de chacun, de veillez à passer plus de temps avec les autres enfants, en compensation, et en rééquilibration du système familial, de soutenir de façon plus claire l’enfant en manque de reconnaissance et de valorisation, le cas échéant. 

Si vous avez peu de temps, proposez un temps qualitatif à tour de rôle avec chacun de vos enfants en fonction de leur âge et de vos intérêts communs, ce qui se traduira par un rituel, repérable et rassurant pour tous, 20 min/semaine peuvent suffire, si ce temps est qualitatif.

Vous pouvez également écrire une petite liste d’activités faciles à faire qui vous aidera à trouver rapidement une idée pour passer un bon moment avec eux. 

Paroles de féePour que la vie ensemble soit plus facile, comme avec n’importe quel enfant, vous pouvez constituer un « cahier des s’il te plait et des merci » 

User et abuser des « s’il te plait » permet d’exprimer ses besoins, « les merci » développent la gratitude, les « pardon » permettent de repartir sur de bonnes bases, sans compter votre exemplarité qui vaut de l’or ! (cause neurones miroirs très actifs chez les enfants HPI). 

Sur ce cahier côté pile (les s’il te plait) et de l’autre les merci ou gratitudeau milieu, identifiez par un marque page les souhaits et projets familiaux (prévoyez 5 pages par personne et quelques pages pour les projets collectifs)précisez que chacun pourra y déposer des demandes qui concernent la vie de famille et des remerciements pour les bons moments passés ensemble. Les pages du milieu seront réservées aux projets personnels et familiaux : idées de cadeau de sortie, de moment de qualité etc...

Une  fois par semaine, au calme, prenez le temps de lire le cahier et inscrivez « vu » pour indiquer qu’il a bien été lu... puis discutez des problèmes soulevés en famille !

Vous pouvez également lire les paroles de Fée : l’art des formules magiques pour mieux vivre ensemble…

Comment favoriser la coopération ?

Il s’agit avant tout d’une dynamique familiale, d’un style et d’une emprunte, les parents qui se serrent les coudes régulièrement et à fortiori en situation de crise offrent une bonne opportunité aux neurones miroirs de leurs enfants d’aiguiser leur propres représentations et de participer par imitation aux même mécanismes. Il me semble important de rappeler aux familles que l’unité familiale sert à faire alliance dans l’adversité. 

Selon ses propres valeurs, éduquer ne consiste pas tant à transmettre des règles, elles se doivent de faire sens et de s’organiser autour de projets communs. C’est à travers l’’intelligence collective et collaborative que l’émulation est d’autant plus optimale. 

Comment favoriser la coopérationL’exigence et les valeurs parentales seront donc également au cœur du dispositif, un élément décisif dans l’exploration ou bien au contraire dans l’abandon de cette démarche au service de l’unité familiale. 

Encourager des comportements individuels ou bien de groupe n’offrira sans doute pas les mêmes chances d’intégration future aux enfants HPI, d’autant que la plupart des recruteurs actuels ont tendance à faire évoluer leurs pratiques d’entretien dans ce sens : les postulants concourent de plus en plus à plusieurs et participent même à des sessions d’escape Game pour sélectionner les futurs ingénieurs dans certaines entreprises. 

Ce n’est plus tant uniquement le champ de compétence qui est visé, mais plutôt le comportement et la façon dont le postulant saura s’intégrer, se comporter en leadership bienveillant et émulant avec ses futurs collègues, ou encore entreprendre, construire et diriger habilement des projets, de même que fournir des efforts et mener ses missions à échéance. Autant d’enjeux qui mobilisent et mettent l’accent sur la dimension primordiale de coopération.

En dehors de l’éducation, le leadership et la notion d’entre aide semblent aussi être une question de place dans la fratrie comme cela a déjà été évoqué ci avant, de nature (neuropsychologique), certains enfants ont également des personnalités plus ou moins souples et favorables à cette relation d’entre aide naturelle. 

Point de vue neuropsychologique : les enfants HPI avec TDA associé auront plus de difficulté par exemple à mettre en œuvre une politique coopérative de par leur trouble attentionnel. Cela ne signifie pas qu’il faille y renoncer mais les efforts seront beaucoup plus difficiles à fournir pour ces enfants ayant ce type de profil. Les récompenses (programme Barkeley) seront un des ingrédients nécessaires au développement de cette habileté, de même qu’une vie sociale développée par les parents autour de lui. 

Point de vue personnalité et regard neuro-anatomiquedeux profils émergent dans le livre récent des philo-cogntifs de Fanny Nusbaum, d’Olivier REVOL, Dominic Sappey Marinier : les philo complexes et les philo laminaires. 

  • les philo-complexes se caractériseraient par une liberté, un certain courage aussi à s’exprimer sans filtre, sans difficulté à vivre ou générer du conflit, défendant sa valeur principale : la justice et pour ce faire le philo cognitif cherche à s’exprimer coute que coute quitte à devoir se revendiquer, il crée de l’idée, du savoir, émule, conflictualise et ne craint pas la controverse là où …
  • les philo-laminaires rechercheraient sans doute davantage une forme de sécurité et d’harmonie sociale, un lien pérenne avec le groupe, le philo-laminaire défend plutôt le bien commun et la paix entre ses membres, il régule, calme, médiatise, évite le conflit, le fuit, lui donnant parfois le sentiment de ne pouvoir affronter, il s’hyper-adapte, au risque de se perdre identitairement…   

 

Si l’on s’en tient à ces deux profils, plus ou moins conjugués l’un à l’autre en fonction des personnes, il conviendrait de réguler le philo-complexe dans ses intempéries émotionnelles et lui rappeler qu’il ne joue pas nécessairement sa vie s’il ne parvient pas à faire entendre chaque fois son point de vue. 

Ses idées sont bonnes, louables et pertinentes et doivent être en effet défendues mais c’est la forme qui pose souci dans la plupart des cas. Aider l’enfant philo complexe à mettre des arrondis et de la forme dans son discours afin que l’objectif soit mieux atteint permet à l’enfant de ne pas se sentir écrasé, ni nié et apprend dans le même temps à se réguler pour atteindre plus efficacement sa cible.

Quant au philo-laminaire, leur goût naturel pour aider, coopérer afin d’harmoniser le groupe en font des enfants particulièrement appréciés, ils peuvent toutefois avoir tendance à s’effacer eux même, au profit du bien-être d’autrui et accumuler de la frustration au fur et à mesure, frustration nocive si elle ne peut s’exprimer et trouver son support cathartique pour se défouler.

Il faudra veiller à ne pas solliciter plus que de raison l’enfant naturellement philo-laminaire pour les tâches de la vie quotidienne afin d’éviter qu’un déséquilibre ne s’installe pernicieusement entre les enfants de la fratrie et que ne s’engage une personnalité en faux self.

 

 


Selon Gabrielle Sebire et Cécile Stanilewicz
Selon Gabrielle Sebire et Cécile Stanilewicz

En bref, voici quelques pistes qui favoriseront la coopération au sein de la famille :

- Répartir les tâches de façon adaptée à l’âge de chaque enfant
- Faire des jeux de société basés sur la notion d’équipe plutôt que sur la compétition, en voici quelques-uns que vous trouverez sur le site : jeux-cooperatifs.com jeux-cooperatifs.com (mini verger, Koobi, little cooperation, story cubes, le passage secret, escape Game pour les plus grands.
- N’hésitez pas à proposer des sports collectifs en club à vos enfants (basket, hand, ..) et des sessions d’arbitrage, particulièrement profitables et rééducatives pour les enfants TDA-H). 
- Evitez de comparer les enfants et pointer surtout la force et la personnalité de chacun
- Ouvrez votre vie de famille aux autres : aux amis, aux camarades, au registre associatif, aux collectes pour sensibiliser les enfants aux autres… et développer l’altruisme sociétal.

 

 

A suivre…

COMMENT VIVRE AVEC LES AUTRES ?

Se faire des amis L’amitié – Repérer ce qui est bon pour soi

Compétences sociales Comment mieux se comporter – Piste d’amélioration (codes sociaux – communiquer – les émotions)

Contraintes sociales Gérer seul le conflit – Gérer le harcèlement

 

CULTIVER L’ESTIME DE SOI

Bien se connaître Conte du petit Tang – Exercice du Dé

Impact des paroles Le papier froissé – l’Amour de Soi

Retrouver sa confiance La fleur des talents - Le conte du porteur d’eau  

 

CONCLUSION