NEOPHOBIE ALIMENTAIRE PERSISTANTE

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sabine60
NEOPHOBIE ALIMENTAIRE PERSISTANTE

bonsoir,
mon fils de 3 ans de veut plus manger aucun légume et aucun fruit, ne veut pas y gouter.

Je l'ai allaité jusqu'à ses 18 mois ; il mangeait alors les légumes et fruits en purée et progressivement il s'est mis à chipoter (il lui fallait la viande sur la purée etc...)
Le sevrage s'est pourtant passé en douceur des mots ont été mis sur cette étape.
Au départ, j'ai pensé que cette néophobie était normale "une petite révolution" mais le temps a passé et voilà que mon fils a 3 ans et je ne sais plus quoi faire... je le fais participer aux courses, le fais cuisiner, n'insiste pas trop s'il ne veut pas gouter j'essaye de ne pas parler "que" de cela. Il est cependant en bonne santé mais j'avoue que la préparation des repas devient une corvée pour moi.
Et mon inquiètude devant cette néophobie persistante ...
Je lui ai même fait croire pendant quelques jours que le magasin de pates riz et pommes de terre était à sec et qu'un délicieux gratin serait aussi bon mais rien a faire il s'est contenté de yaourt et fromagejusqu'à ce que le magasin soit "réapprovisionné".
Que dois-je faire à présent ? je m'en remets à vos lumières et vous remercie par avance.

celine-lemesle
Bonsoir madame,

Tout d'abord un petit rappel sémantique pour tous ceux qui nous lirons : le terme de « néophobie » est, entre autre, utilisé pour désigner l'évitement de nourritures nouvelles. Les chercheurs ont élaboré une échelle de néophobie alimentaire (food neophobia scale) pour mesurer les variations de comportements des individus face à la nourriture.

Chez les enfants, la néophobie se manifeste par une diminution de la consommation de fruits, de légumes et d'aliments riches en albumine par rapport aux individus du même âge. La compréhension de ces mécanismes est importante dans le contexte d'une obésité croissante de la population adolescente et infantile dans les pays industrialisés. Cette néophobie commence surtout aux environs de deux ans pour atteindre habituellement son apogée entre 4 et 7 ans.

L'alimentation fait partie intégrante des apprentissages au même titre que le langage, les limites.... Votre enfant a pu bénéficier durant ses 18 premiers mois de votre lait maternel, lequel a pu changer de goût en fonction de la nourriture que vous avez ingéré.

Dès lors, comment expliquer qu'il ne puisse pas s'habituer davantage aux nouvelles saveurs puisque ceci n'est pas si inconnu pour lui...

Il semble que votre enfant n'ait finalement jamais vraiment investi les aliments très diversifiés. Il parait davantage prendre plaisir à s'affirmer auprès de vous, c'est un « pouvoir » qu'il expérimente à loisir.
La phase du NON, en tant qu'organisateur psychique est normale et nécessaire à tout enfant (Spitz). Elle permet à l'enfant âgé de 18 mois à 3 ans environ de prendre connaissance de son identité. Cela lui permet de finir de se distinguer complètement de maman et papa (après la phase de l'angoisse de l'étranger de 8 à 12 mois), et de s'assurer en quelques sortes de son autonomie émergente.
Il est très classique que cette expérimentation touche à ce qu'il y a de plus désagréable chez chaque parent (les failles, peurs).
Et les enfants sont très forts pour repérer ce qui tracasse véritablement leur parent...

Bien souvent la question de l'alimentation en est l'un des dépositaires majeurs ! Car manger, nourrir, c'est s'assurer, notamment pour la mère, que son enfant se porte bien, ainsi elle remplit « pleinement » sa fonction symbolique de « gardienne de la vie ». Tout ceci n'est bien entendu jamais totalement conscient.

Votre enfant semble également prendre plaisir dans la nourriture dite « régressive » celle finalement qui ressemble davantage au lait maternel, prolongeant ainsi implicitement cette relation si douce et sucrée au creuset de ce sein qui lui apportait une gratification double, à la fois alimentaire et également relationnelle auprès de vous....

Ces deux hypothèse peuvent à première vue vous sembler paradoxales, mais l'être humain est souvent ambivalent, c'est à dire qu'il veut... et ne veut pas en même temps.
Dans le contexte de votre enfant, c'est comme s'il souhaitait expérimenter son autonomie en refusant d'aller dans votre sens (en s'affirmant par le NON) et en même temps, au regard de ses préférences alimentaires, il donnait à penser qu'il ne veut surtout pas grandir trop vite.
Il recherche alors une certaine sécurité en s'obstinant à manger seulement deux à trois aliments qu'il maitrise bien.

Alors comment aider votre enfant à dépasser ses craintes et à découvrir le monde ?

Je vous invite dans un premier temps à repérer vos propres préférences alimentaires ainsi que celles de son entourage proche, les enfants s'inscrivant souvent dans le mimétisme.
Il est difficile de demander à votre enfant de manger ou goûter des aliments que vous n'auriez pas l'habitude de manger vous-même ou que vous n'auriez pas mangé durant l'allaitement (pour commencer).

Il est également important de l'obliger à goûter une toute petite bouchée de ce qu'il ne veut pas manger, sans le forcer à continuer si cela ne lui plait vraiment pas, et y revenir très régulièrement. Cela fait partie intégrante de l'éducation.

Manger ces nouveaux plats en famille, peut être le weekend, lorsqu'il y a plus de temps pour se retrouver ensemble, ainsi manger comme papa et maman peut devenir très gratifiant.

S'il est nécessaire de lui interdire d'affirmer « je n'aime pas » et de le répéter incessemment, il est également important de lui concéder le dégout de deux ou trois aliments maximum.
En effet, on ne peut pas savoir si l'on aime ou non un aliment avant de l'avoir goûter "au moins 12 fois !" Le lui expliquer. Il peut dire «pour l'instant, je n'apprécie pas ça, je goûte simplement !». parallèlement il est essentiel de respecter ceux qu'il n'aime vraiment pas plutôt que de procéder à un bras de fer décourageant pour tout le monde.
Rappelons-nous que nous en avons presque tous !

Si cette relation autour de l'alimentation demeure trop conflictuelle, il peut également être important de passer le relais au papa ou à toute autre personne. Passer ce relais et ne pas céder deviennent alors progressivement un gage de réassurance pour votre enfant, même s'il fait des colères, s'oppose ou vous fait culpabiliser.
Un enfant ne meurt jamais de faim à moins d'avoir un trouble métabolique grave ou un trouble précoce du développement (anorexie du bébé, psychose...)!

Je crois aussi qu'au petit jeu du magasin fermé vous allez souvent perdre, votre enfant a bien compris qu'il pourrait vous faire céder, mieux vaut jouer franc jeu avec lui et le placer sur un rapport moins enfantin et plus équitable afin qu'il puisse appréhender cette autonomie à travers la vraie découverte alimentaire, notamment.

Vous pourrez continuer à lui expliquer qu'il existe des aliments que l'on n'apprécie pas la première fois mais que l'on finit par aimer en les goûtant régulièrement. Faites référence à des situations qui vous sont personnelles, lorsque vous étiez enfant, certains aliments que vous n'aimiez pas et que vous avez fini par apprécier...

Vous pouvez également l'aider à différencier progressivement les nuances à travers deux aliments de la même famille (de façon ludique), encore mieux lui donner accès à la terre afin qu'il comprenne l'origine des aliments. Si vous n'avez pas de jardin ou de balcon... ou l'envie de faire pousser tout cela avec lui, des fermes agricoles permettent de découvrir et participer à la récolte des produits frais qui peuvent ensuite faire l'objet d'un atelier cuisine de retour à la maison. Il s'en sentira gratifié et aura à coeur de gouter ce qu'il aura fait l'effort de récolter lui-même.

Je ne peux plus vous souhaiter qu'une bonne cueillette en famille, de la relativité et surtout de la patience....

Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute familiale, Formatrice.

Céline Lemesle, Psychologue