Comment vivre la prochaine grossesse ?

3 contributions / 0 nouveau(x)
Dernière contrib.
Marie2017
Comment vivre la prochaine grossesse ?

Bonjour,

J'ai perdu mes jumeaux en 2016 suite à un accouchement prématuré à 25 sa (on n'a pas trouvé vraiment de cause donc pas vraiment d'explication d'après les médecins, risque des grossesses gémellaires, possible influence d'une bactérie...) . L'un des bébés est parti le jour même et le second s'est battu 25 jours en réanimation néonatale. C'était ma première grossesse, elle est venue très vite et et je ne m'attendais pas du tout à avoir des jumeaux (aucun antécédent connu ni de mon côté, ni de celui du papa).

Cet épisode a été déjà extrêmement douloureux et traumatisant, mais aujourd'hui j'ai l'impression que le sort s'acharne un peu sur moi...

Je viens de faire ce we une fausse couche très précoce (6 sa), c’est la 2e depuis mon arrêt de pilule en mars. La 1ère était ultra précoce (4 sa) et bien que ce fût une déception, elle ne m’a pas trop traumatisée car à ce stade c’est une chance sur 2, et si je n’avais pas fait de test avant mon retard de règle, je n’aurais peut-être même pas su qu’il y avait eu un début de grossesse.

Je suis retombée enceinte fin juillet/début août, et voilà que j’en fais donc une 2e ! Je suis allée inquiète au CHU suite à une petite perte marron et mes craintes se sont confirmées, en fait la grossesse été arrêtée depuis 2 semaines. Elle s’est donc arrêtée juste après la 1ère echo de datation que j’avais eu et qui montrait une grossesse évolutive.

Bref, je me sens un peu déboussolée, inquiète et fatiguée émotionnellement par cette 2e fois, alors que j’étais à nouveau en forme et tournée vers l'avenir…. C’est pénible. Je vais en discuter avec mon gynécologue prochainement et j’essaie de me raisonner, car bon, ces fausses couches restent fréquentes, je le sais, et bien sûr, mon vécu de l’an dernier ne m’empêche pas d’être exposée aux mêmes aléas de la nature et risques que n’importe quelle femme….

J’étais bien sûr heureuse, mais en même temps je ne m’étais pas projetée à ce stade précoce où rien n’est sûr (et pour moi de toute façon, la peur sera toujours plus ou moins en arrière plan tout au long d’une grossesse). Mais par contre l’effet de répétition est quand même compliqué et je ne peux m’empêcher d’avoir un sentiment d’acharnement, et une angoisse encore plus grande sur la façon dont je vais pouvoir vivre les choses la prochaine fois que je serai enceinte… Car cette fois-ci, j’avais vraiment bon espoir que ça se passe bien, et puis non, une fois de plus…. Je ne peux quand même pas être "malchanceuse" éternellement….

Ce sentiment va peut-être se dissiper avec un peu de temps, car la 1ère fois mon angoisse s’était calmée et on avait tout de suite retenté, sans se prendre la tête, en laissant juste venir les choses, et j’ai la chance de tomber très vite enceinte apparemment.

Par ailleurs, il n’y a pas que du négatif, je suis en bonne santé, heureuse dans ma vie, très amoureuse et soudée avec mon chéri, très bien entourée par ma famille et la sienne et par des amis fiables, et avec plein de projets…

Je me dis qu'un regard extérieur pourrait peut-être m'aider à voir les choses sous un autre angle.... car depuis j’alterne entre l'angoisse et le sentiment que ça s'acharne et que je n'en sortirai pas, et un état d'esprit plus optimiste et rationnel qui me dit que c'est une mauvaise série, que ça arrive dans la vie, que la prochaine fois ça ira, et qu'il faut relativiser car certaines personnes vivent des choses vraiment pire.

Je voudrais ne plus retomber dans mes angoisses et recommencer une fois de plus à aller de l'avant, mais c'est compliqué, et quand je serai à nouveau enceinte, j'ai l'impression que je serai tout le temps dans la peur, ce qui ne risque pas d'aider pour que tout se passe bien :/

celine-lemesle
Bonjour madame

Merci pour ce témoignage difficile et émouvant que vous nous livrez. Tout d'abord, ce n'est pas parce que d'autres personnes vivent des choses douloureuses ou qui paraissent "pires" que cela en retire la charge émotionnelle pour soi.

La superstition est dans tous les Coeurs, elle s'invite toujours plus ou moins au creux de la peine et du bonheur. Les humains ont besoin de se raccrocher à ce qui fait sens pour surmonter les épreuves, mais à la vérité, il n'y a ni malédiction ni chance dans tout ceci, il s'agit d'une épreuve de laquelle il est plus ou moins aisé de sortir avec résilience. L'entourage aimant et soutenant est alors très précieux et fait en effet toute la différence.

Une Patiente d'un optimisme à toute épreuve et qui a vécu la même situation, m'a dit quelques mois après ce drame, "de toutes façons, pour gagner il faut jouer !" Elle a aujourd'hui deux merveilleux enfants et est enceinte du troisième.

La natalité est tel un grand jardin dans lequel certaines graines ne poussent pas, d'autres poussent un peu... beaucoup et d'autres enfin arrivent à leur maturité pour s'élever dans la vie terrestre avec leurs parents.

Ce conte est loin d'être toujours merveilleux, il est même cruel parfois, et demande aux parents beaucoup de courage pour se relever et continuer.

Les deuils d'enfants sont très difficiles pour plusieurs raisons:
- ce n'est pas dans l'ordre des choses, il n'est pas naturel de perdre un enfant en devenir ou jeune, er d'autant plus lorsque l'on est primipare (1ers bébés)
- la prématurité questionne toujours la mère dans sa capacité à être un "bon ventre" et en ressort presque systématiquement avec un sentiment coupable. Outre la douleur de perdre un bébé, et dans votre cas deux bébés consécutivement, une grossesse ajournée questionne aussi sur sa capacité à enfanter.
- et parce qu'enfanter place la femme en qualité de "gardienne de la vie", cette responsabilité est merveilleuse (toute puissance euphorisante) lorsque tout va bien mais aussi si grande et lourde à porter seule lorsque le processus n'aboutit pas à son terme dans de bonnes conditions (sentiment d'incapacité et d'impuissance).

Bien que rien ne répare totalement ces épreuves de vie, elles ont le mérite de nous apprendre sur nous même, et de confirmer dans un second temps (la plupart du temps) le désir profond de fonder une famille et de transmettre à son tour à son/ses enfants.

Faites vous, en effet, accompagner médicalement et psychologiquement pour retrouver en vous confiance et meilleure estime de vous si vous le jugez nécessaire. Vous avez de mon point de vue de belles ressources psychiques, à vous lire.
Dès lors, poursuivre vos projets de maternité est probablement la seule façon de dépasser le trauma, puisqu'ils confirmeront votre capacité à enfanter. Aussi, je ne peux que vous conseiller de placer vos désirs au coeur de votre vie et de les poursuivre.

Bien à vous

Céline Lemesle, Psychologue

Marie2017
Merci à vous pour cette réponse humaine et sincère.
"ces épreuves de vie, elles ont le mérite de nous apprendre sur nous même"... avec le petit recul que j'ai depuis cette épreuve, je sens déjà ce qu'elle me laisse aujourd'hui de fragilité bien sûr, mais aussi de force. Force de vie, d'amour et de compréhension. Je prends cela comme le cadeau immense de mes petits bébés envolés. Et j'espère pouvoir transmettre tout cela un jour à un enfant dont le chemin sera s'élever à nos côtés. Merci.