Pere absent - enfant qui l'idealise

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audreynoaro
Pere absent - enfant qui l'idealise

Bonjour,
Toutes mes excuses par avance pour le manque d'accents car j'utilise un clavier anglais.
Je vous ecris car je ne sais plus quoi faire pour communiquer avec mon fils Maxime. Il a aujourd'hui 9 ans et demie. Son pere et moi sommes separes depuis 6 ans. Je suis revenue vivre dans le Sud Est alors que son pere a prefere rester en region parisienne. Il s'est ensuite remis en couple avec une autre femme (avant que le divorce ne soit prononce), avec laquelle il a eu une petite fille qui a aujourd'hui 4 ans. Pendant qu'a dure cette histoire (environ 2 ans), Maxime partait regulierement en vacances chez son pere bien que seule la compagne de son pere s'occupait de lui.
A partir du moment ou il a quitte cette femme, il n'a plus donne de nouvelles a Maxime pendant plus de 6 mois et n'a organise aucune vacances pendant un an et huit mois.
Mon fils est alors devenu assez colerique. Il a meme failli me frapper un jour parce qu'en bon mauvais perdant il etait contrarie de ne pas gagner au jeu auquel nous jouions. Je l'ai somme d'appeler son pere et de lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur en lui precisant bien que j'etais sa mere et pas un punching ball destine a recevoir des coups juste pour qu'il se soulage. Il a insulte son pere au telephone, avec la gorge nouee et les larmes aux yeux. En raccrochant, je lui ai demande si cela lui avait fait du bien. Il m'a repondu (avec le sourire convaincu de l'enfant qui attend une recompense) "oui, je suis content, ca t'a fait plaisir? Je l'ai fait pour toi". Je vous laisse imaginer ma surprise.
Entre temps, je me suis remise en couple, avec un homme sans enfant. Maxime a clairement considere mon ami (et bientot epoux) comme un rival et nous vivons tous les 3 dans une tension palpable. Le pere de Maxime continue d'acumuler mensonges et manipulations a l'egard de son fils mais Maxime ne voit que par lui, trouve pardonnable tout ce que fait son pere, alors qu'il est evident qu'il ressasse au fond de lui une colere et une tristesse incommensurable.
Les derniers exemples en date (pour situer la personnalite de son pere):
- En juin dernier (2011) l'oncle paternel de Maxime s'est marie. Maxime recoit un appel de son pere le jour du mariage qui lui dit que toute la famille est reunie, et que meme sa petite soeur est presente. Maxime raccroche tout content d'avoir parle tour a tour a ses oncles (qui jamais en 6 ans n'ont pris de ses nouvelles), a sa soeur et a son cher papa. Je le regarde et lui demande s'il ne trouve pas qu'il y a quelque chose d'etrange. Il me repond "Non, pourquoi?" Et la, je n'ai pas pu m'empecher de lui dire "tu ne trouves pas bizarre que toute la famille de ton pere soit reunie et que toi tu n'aies meme pas ete invite? Ton pere ne m'a meme pas contactee pour me proposer de t'acheter un billet d'avion, et tu trouves cela normal?" - J'en ai ete aussi deconcertee que decue.
- Au bout d'un an et huit mois, soit en juillet 2011, le pere de Maxime lui propose de passer une partie des vacances scolaires (3 semaines d'aout) avec lui. "Nous irons a Disneyland, a la Rochelle et dans un camping 4 etoiles". Son pere conduit 8 heures pour venir le chercher et rentre a son nouveau domicile dans la region de Chateauroux. Ils vont ensuite en region parisienne recuperer sa petite soeur. Ensuite, direction Clermond Ferrand, chez la nouvelle compagne de son pere qui a finalement fait office de baby-sitter pendant que papa est retourne travailler.
Pas de Disneyland, pas de voyage a la Rochelle, pas de camping. Alors oui, Maxime me dit qu'il a eu de la peine, qu'il etait decu, mais que non, il n'a rien dit a son pere. Au bout d'une semaine chez son pere il m'a telephone en larmes pour me dire que je lui manquais, qu'il voulais rentrer. Je lui ait dit qu'il fallait qu'il passe du temps avec son pere vu qu'ils se voient déjà si peu. Finalement le lendemain, il s'ennuyait mais ne semblait plus triste au telephone.
De notre cote, a la maison, Maxime nous ignore, n'en fait qu'a sa tete, n'ecoute rien de ce qu'on lui dit ou demande. Il a jusqu'ici toujours eu de tres bons resultats scolaires malgre quelques problemes de discipline a l'ecole (il tape facilement ses camarades pendant les parties de foot, s'enerve, jure, est mauvais joueur et mauvais perdant).
Mon ami a "lache l'affaire" ressentant de la part de mon fils plus de mepris que d'affection, malgre les tentatives de dialogues repetees et infructueuses. Depuis bientot deux ans de vie a 3, Maxime n'a jamais eu un geste gentil a l'egard de mon ami. Vis-à-vis de moi, il est bien-sur devenu distant parce que certainement jaloux de mon ami. Il ne me parle pas, agit toujours de facon interessee avec moi. Il n'y a pas de tendresse, aucune complicite. Il n'a pas envie d'etre avec nous et reve d'etre avec un pere qui est en realite completement different de ce qu'il en attend.
Je trouve mon fils triste et solitaire, un peu comme je l'etais aussi enfant. J'essaie de gerer le fait que je lui en veux de preferer son pere a moi, après toutes les annees que Maxime et moi avons partagees entre mere et fils, je lui en veux ne de pas ouvrir les yeux sur cet homme qui le prend pour un idiot et de l'aimer juste parce qu'il est le pere idealise.
D'un autre cote je voudrais aider mon fils a se debarasser de sa colere, a verbaliser sa tristesse afin que l'adolescence ne se revele pas comme une bombe a retardement et que ses deception vis-à-vis de son pere le mene vers la drogue ou une tentative de suicide.
En somme je cherche un moyen d'aider mon fils a exorciser le manque de son pere afin qu'il ne se retourne ni contre lui-meme, ni contre les gens qui lui sont proches. J'ai déjà vu de nombreux therapeutes mais Maxime feint le Bonheur a la perfection; il est certes tres intelligent et cela lui a sans doute permis de contourner les questions des psy qui on conclut qu'il est en souffrance. Ca je le sais; maintenant je voudrais trouver un moyen d'y remedier.
Si vous avez des conseils ou des orientations de therapies a me fournir, je suis preneuse. Merci par avance pour votre site que je trouve tres instructif et tres convivial.
Audrey - 24/11/11

celine-lemesle
Bonjour madame,

Votre enfant est en pleine phase de latence (8-12 ans), en même temps qu'il doit avoir à coeur de se séparer de vous, l'objet de son amour idéal depuis ses plus tendres années (3 ans), il se trouve certainement encore tiraillé par cet amour inconditionnel qu'il a pu vous porter jadis. Bien que très nécessaire, cette séparation impulsée par le papa n'est jamais simple (interdit de l'inceste dans le complexe d'Oedipe), cela l'est encore moins lorsque le papa est absent ou « remplacé par un tiers».

Il lui faudra alors probablement plus de temps et de distance pour s'accommoder de cette réalité, qui peut le renvoyer à une place solitaire, voire le sentiment d'en être exclu.

Parallèlement, votre fils, par loyauté paternelle, peut affirmer son agressivité directement à vous et indirectement à son beau-père. Je crois que votre fils craint (fantasmatiquement, c'est à dire qu'il n'en n'a pas conscience) d'être à l'origine de la séparation parentale et de l'éloignement de son père, ayant fauté de vous aimer.

Cette agressivité pourrait dès lors le préserver d'enjeux fantasmatiques plus couteux pour lui, de même que l'idéalisation qu'il voue à son père, ainsi qu'à cette famille paternelle qu'il connait peu finalement.

Par ailleurs, aussi paradoxal que cela peut paraitre, dans le contexte des séparations parentales, l'agressivité est souvent adressée au parent sur lequel l'enfant sait qu'il peut compter. Plus le lien est fragilisé, moins l'enfant se risque à perturber cette relation, car possiblement carentielle voire abandonnique.

Comme vous l'avez bien compris, il est probable que votre enfant, se sentant menacé dans son lien à son père, compense ainsi sa frustration, sa peur d'être mal aimé par une relation fortement idéalisée. Il reconstruit alors artificiellement, dès que cela se présente à lui, des scénarii visant à adoucir ce qu'il doit vivre comme une cassure familiale.
Bien sur chaque personne ait besoin du réel pour se construire (et c'est le principe du réel que votre enfant cherche à repousser par tous les moyens, en vous déroutant notamment), il semble qu'il cherche à tous prix à conserver en lui l'image d'une famille normale, ordinaire.

-Je crois beaucoup en la vertu du sport, qui pourrait permettre à votre enfant d'extérioriser ses pulsions et tensions, de canaliser ses émotions négatives. Rappelons à ce sujet que plusieurs hormones très importantes pour lutter contre la déprime sont mobilisées grâce l'activité physique.

-Je pense également qu'il n'est pas prêt à élaborer autour de la question de son père, de la déception qu'il peut ressentir à son sujet et qu'il ne faut pas l'y contraindre, d'ailleurs vos tentatives pour lui permettre d'en parler à un psy ont échoué jusque là. Il sera peut être envisageable plus tard d'aborder cette question du lien qui vous unit tous les deux dans le cadre d'entretiens familiaux, sans que vous parliez de sa relation à son père et le laisser y venir de lui-même en votre présence.

-Pour le moment, peut être que des groupes d'ado dans le contexte du théâtre, de l'écriture, de la peinture, de la musique.... , tout ce qu'il apprécie et qui pourrait faire office de médiation thérapeutique (sans être présentée ainsi bien entendu), pourrait très certainement remplacer pour un temps cette nécessité de travail cathartique.

La rencontre avec un prof masculin serait idéal sur le plan transférentiel, mais cela ne se provoque pas, il s'agit de rencontre.

Bon courage, ce n'est pas facile d'être parent... mais tenez bon.

Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne

Céline Lemesle, Psychologue

audreynoaro
Chere Madame,
Je vous remercie pour votre reponse. En effet, certaines douleurs ou certains conflits ne s'apaisent qu'avec le temps. Et c'est bien la une des donnees les plus importantes que je ne peux pas maitriser.
Merci encore pour ce site qui permet de partager d'autres experiences de parents... ca ne rassure pas forcement, mais on se sent moins seul ! Bonne journee, Audrey