Un bébé à l'épreuve du couple

L'arrivée d'un bébé chahute, bouscule, remet en question, aussi bien soi-même que l'équilibre émotionnel du couple. Les statistiques parlent d'elles-mêmes, il existe en effet un nombre croissant de familles monoparentales (10 % des enfants de moins de deux ans) et à ce jour si environ un quart des couples se sépare après quelques mois suivant la naissance du bébé, ce chiffre ne cesse d'augmenter.

Les mécanismes psychologiques en jeu au sein du couple

Alors qu'ils n'étaient que deux, le couple éprouve une véritable perturbation identitaire. Car l'arrivée de cet enfant dérange pour toujours l'ordre et les règles établies au sein du couple. La nostalgie de la vie passée ensemble à deux peut déboucher sur une véritable crise. Et qui dit crise, dit réaménagements affectifs et symboliques nécessaires. Nous sommes tous plus ou moins attachés à nos habitudes voire à certains rituels, en ce sens qu'ils nous rassurent, nous donnant l'impression de maitriser les événements et le décours de notre vie face à cette terrible angoisse que représente la mort. 

Outre ses implications ancestrales (procréation), une autre des visées essentielles du couple est probablement de défier inconsciemment cette appréhension. S'aimer, c'est une autre façon de donner un sens à sa vie, de la rendre plus riche et sécurisante. A deux, le couple se sent plus fort et plus à même d'affronter les épreuves qui jalonnent l'existence. 

A l'arrivée de cet enfant, ce changement impose involontairement le rappel de cette angoisse de mort. « Alors que l'idée de mourir était si lointaine, cette mort me concerne finalement autant que les autres » (fantasme d'éternité qui s'effrite). En devenant soi même « parent », le statut évolue et dès lors « je ne suis plus uniquement l'enfant de mes propres parents ». Les remises en questions, prenant la forme d'un premier bilan de vie, peut s'installer progressivement voire dans certains cas très brutalement, donnant lieu à un profond bouleversement psychologique vis-à-vis de soi même. 

La dynamique du lien amoureux, sans que l'on y prête toujours attention, évolue. Si les tensions (reproches faits au conjoint) n'ont pas été suffisamment parlées avant le projet d'enfant, les conflits vont manifestement revenir sur le devant de la scène à son arrivée et ce, de façon plus exacerbée. A contrario, la venue de cet enfant peut aussi constituer un réel épanouissant, telle la consécration de la relation d'amour. 

Si l'arrivée du nouveau né dans la maisonnée demeure si cruciale, c'est qu'elle questionne la place occupée par chacun des « devenant-parents ». Cette place va nécessairement subir des remaniements qui peuvent aussi être vécus comme une remise en cause. A mesure que la grossesse évolue, la relation à deux va progressivement céder la place à un autre concept très puissant : celui de la dimension familiale. Face à cet inconnu, de nouvelles dynamiques sont en jeu. La solidité de l'alliance formée initialement par le couple va être soumise à dure épreuve et suscite des inquiétudes à mesure que le fœtus s'insinue dans la vie du couple. 

Que va-t-il advenir du lien qui unissait le couple, à l'arrivée du petit être, « aurais-je toujours cette place privilégiée dans le cœur de l'autre ? » Parfois ces inquiétudes symboliques se déplacent dans le réel sur des questions d'ordre pratique. « Mon bureau va devenir la chambre du bébé et moi où vais-je mettre mes affaires ? ». Cette ambivalence affective sera peu parlée au sein du couple de peur, probablement de perdre définitivement sa place. 

De nombreux achats en vue de l'arrivée de l'enfant mobilisent également une place conséquente et transforment notablement l'intérieur de la maison, chaque nouvel objet acquis peut en rappeler la venue prochaine au point que l'emprunte du bébé imprègne progressivement tous les recoins de la maison et procure parfois un sentiment d'envahissement. 

Dès lors, il n'est pas rare de constater que le père se sent souvent destitué de sa place au bénéfice d'une relation fusionnelle mère/bébé. Le sentiment de trahison, face à cette alliance initialement constituée au sein du couple et qui se déplace auprès de l'enfant à venir, n'est jamais bien loin... 

Comment apaiser les tensions ?

Alors que faire de ce florilège de sentiments qui a souvent bien du mal à éclore consciemment ? Il est important de souligner que ces mouvements affectifs tant négatifs que positifs sont tout à fait normaux, en ce sens qu'ils traduisent les conflits internes et psychologiques liés à l'arrivée d'un bébé, « petit intrus » dérangeant l'ordre préétabli. Plusieurs préconisations peuvent être proposées : 

  • - Dédramatiser ces ressentis et rassurer son conjoint à ce sujet sont probablement les meilleurs stratégies à développer au sein du couple pour assurer à l'autre que cet enfant est bel et bien le fruit de leur amour initial.
  • - Ne pas se mentir sur les perturbations et les tensions que pourront occasionner par la suite les petites nuits, les pleurs du bébé et la grande « préoccupation maternelle primaire » (selon la terminologie de WINNICOTT), bien que déstabilisante pour le père, pourtant si nécessaire au développement de l'enfant. 
  • - Dans tous les cas, ne pas prendre de décision trop hâtive face aux conflits et communiquer le plus possible peut aussi faire l'objet d'un contrat initial au sein du couple avant la venue du bébé. 
  • - Se laisser également le temps, une année au moins, pour retrouver un nouvel équilibre satisfaisant pour tous. 
  • - Ne pas hésiter à consulter sans trop attendre, si le couple ne parvient pas à se retrouver, cette démarche étant un aveu d'amour et la volonté d'améliorer la situation.

 

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Céline BIDON-LEMESLE
Psychologue Clinicienne, Thérapeute Familiale, Formatrice