Plongée thérapeutique au cœur des émotions de patients Hauts Potentiels Intellectuels (HPI)

Je me suis intéressée à l’approche diagnostique (bilan), puis clinique (symptômes dans leur globalité) et thérapeutique des enfants et adultes HPI un peu par hasard au début de ma pratique, et force est de constater que ma patientèle a beaucoup évolué en ce sens ces quinze dernières années.

VisageParallèlement, une multitude d’écrits a fleuri à ce sujet, cherchant à caractériser ce syndrome (mode de fonctionnement), au travers de grandes généralités, gommant parfois les spécificités et générant quelque scepticisme auprès de certains de mes patients, désireux de mieux se comprendre.

Cette asynchronie entre description dans les manuels et vécu personnel a fini par me faire préférer la pratique en toute intimité pour mieux appréhender sa complexité et observer d’autres contours au fur et à mesure de l’expérience thérapeutique.

Je crois que nous ne le disons pas suffisamment, mais nos approches cliniques, en tant que psychologue, analyste et thérapeute, restent empiriques, elles se distinguent des recherches scientifiques qui affinent de façon statistiquement mesurable des données auxquelles, nous cliniciens n’avons pas accès, cela n’étant pas notre cœur de métier en libéral car nous accueillons exclusivement en cabinet les patients qui font appel à nous, et non le contraire.

Il s’agit là d’un biais remarquable : ces patients sont en recherche de réponse face à des questionnements internes et intimes car ils ressentent un malaise, un mal être qu’ils ne s’expliquent pas.

Nous ne voyons pas tous les autres : tous ceux qui « vont bien, qui vivent en harmonie avec leur fonctionnement HPI bien intégrés à la vie professionnelle, sociale et relationnelle ». Certains se méconnaissent surement du point de vue diagnostic, ils ont déjà trouvé en eux des ressources, officié une réadaptation et fait preuve de résilience sans nécessairement en avoir conscience.

Ils bénéficient peut être aussi d’un environnement plus favorable au départ et à ce jour, leur permettant par leur choix professionnel, social et amoureux d’affirmer leur potentiel et d’épanouir leur personnalité. D’autres encore ne franchiront jamais la porte d’un psy ou d’un médecin pour des raisons psychologiques, personnelles ou autres…

Aussi cet article n’aura pas pour vocation de toucher l’ensemble du public, mais donnera plutôt une lecture de patients que j’ai pu rencontrer et que j’accompagne toujours aujourd’hui, ceux qui me font sens, avec lesquels j’ai pu établir une connexion hors norme, puissante et développer un lien profond et sincère.

Il s’adresse peut être aussi à ceux que je pense pouvoir aider à dépasser leurs inadaptations et blocages, s’ils se retrouvent dans ces témoignages.

Un profond sentiment de décalage au monde chez les patients HPI

jeune hommeQue ce soit suite à une confirmation diagnostique, un burnout pro, des difficultés relationnelles familiales ou avec la hiérarchie, en amitié, en amour… bien souvent le mal être profond dont ils témoignent concerne leur rapport au monde, avec ce sentiment de décalage probant, constant, déjà présent petit et qui les ont progressivement marginalisé au monde.

Ils affirment régulièrement avec honte, indignation, culpabilité, colère : « je me sens décalé(e), différent(e)…mais je ne sais pas ce que j’ai fait, ni pourquoi ».

Le décalage intellectuel et émotionnel

Or, dans les faits ils sont effectivement différents, et ce pour plusieurs raisons : les patients HPI travaillent plus vite, ils se voient rapidement confier davantage de missions.

Ils sont également en capacité de travailler de façon simultanée à plusieurs tâches et de faire preuve d’une grande concentration, rigueur et excellence dans le travail fourni.

Ce type de talent, notamment dans la sphère professionnelle, peut créer de l’animosité, de la suspicion, de la jalousie, profiter largement aux employeurs et conduire aussi les sujets HPI ainsi vers le burnout ...

Les HPI sont souvent des personnes très aimables, très gentilles et à l’écoute, très (voire trop) empathiques, ce qui les amène à « souffrir avec » et à se retrouver dans des situations de confidence parfois très pesantes, et rendant inéquitable la qualité des liens amicaux, relationnels et amoureux.

Parallèlement, autre constat clinique : les patients HPI ne parviennent pas à arrêter de penser, leur analyse est incessante, au point que tout est décortiqué et fait l’objet de questionnement et d’argumentation au plus haut point.

Aussi, ils passent beaucoup plus de temps sur un sujet que la moyenne des gens, et à la longue, ce profil de personnalité peut agacer, et laisser penser que ces personnes sont imbues d’elle-même et se sentent supérieures aux autres, alors qu’elles sont et se ressentent profondément gentilles et aimables.

Les personnes HPI ne comprennent donc pas l’exaspération dont elles font l’objet, pas plus que les malaises sociaux, relationnels qu’elles génèrent malgré elles, et ce décalage laisse poindre des quiproquos entre les personnes, et conduisent à l’éloignement sans préavis.

Délaissées, abandonnées, placées dans l’incompréhension, ce décalage est d’autant plus présent et finit par développer un sentiment d’injustice, chez les personnes HPI, renforçant cet hyper questionnement et ce sempiternel besoin d’introspection vis-à-vis de soi et d’autrui.

L’hypersensibilité

Visage noir et blancL’hypersensibilité des HPI en fait également leur marque de fabrique. Sans elle, difficile de prétendre à ce tableau clinique. Elle est parfois très évidente sur des profils de personnalité très extraverties, mais l’hypersensibilité peut également se dissimuler et se traduire de façon plus discrète (phobie sociale, crainte, agressivité).

Ce domaine émotionnel (QE) plus difficile à investiguer, fait l’objet de moindre exploration vis-à-vis de son corolaire intellectuel (QI).

C’est pourtant ce désordre émotionnel qui conduit la plupart des patients HPI à franchir le pas du travail psychique : la dimension émotionnelle, ou comment gérer cet afflux émotionnel, car cette hypersensibilité inhérente et insaisissable continue d’interpeller…

Bien que Françoise Dolto ait été pionnière en la matière, elle n’est pas parvenue à faire standardiser un outil d’évaluation suffisamment sensible et représentatif.

Et pour cause : le QE (Quotient Emotionnel) est souvent associé au QI (Quotient Intellectuel) mais aucune donnée clinique recevable à ce jour ne peut véritablement définir de profil spécifique, tant les données personnelles de chaque personne devraient être croisées et l’interaction entre celles-ci également prises en compte.

Une de mes patientes que j’appellerai Siam, au profil « très » HPI, car disposant d’un mode de fonctionnement cognitif particulièrement élevé et harmonieux (ce qui est donc rare) est très recherchée pour ses qualités au travail : la conduite du changement au sein de son entreprise.

Alors que nous échangions au sujet de l’impasse statistique en matière de recherches cliniques visant à évaluer l’effet des psychothérapies sur le mieux-être des patients, Siam m’a un jour expliqué qu’il faudrait tout simplement déconstruire notre schéma d’analyse habituel pour y parvenir.

2 visagesIl suffirait, selon elle, de substituer à sa forme rectiligne et linéaire un format de recherche plus sinusoïdal, qui aurait vocation à être plus souple.

Ce nouveau modèle permettrait de mieux prédire et supporter certains biais subjectifs tels que : anamnestiques, cognitifs et émotionnels interpersonnels, contextuels et environnementaux, interactionnels et transférentiels entre le patient et son thérapeute...

Son idée audacieuse avait l’air bien construite et très évidente, tout du moins pour elle J. Mener à son terme un tel projet de recherche quant aux effets de la psychothérapie pourrait devenir, pourquoi pas, un modèle également applicable dans le futur à la mise en relief du QE.

Bien que nous ne disposons à ce jour que de données exploratoires, incomplètes, rendant compte d’un accès personnalisé, d’une perception du monde subjective car teintée de la personnalité et de l’histoire du sujet, de ses paradoxes parfois... je vous propose d’en faire empiriquement l’exploration clinique.

Les fluctuations émotionnelles des HPI

Mère et filsNous savons aujourd’hui, grâce aux neurosciences affectives, que la possibilité donnée à un sujet, d’autant plus lorsqu’il est jeune, de s’exprimer sur ses émotions et de les traduire par un lexique diversifié et riche, fera de lui un adulte enclin à mieux maitriser ses afflux et tempêtes émotionnelles.

Cela s’avère d’autant plus vrai si le sujet vit des oscillations émotionnelles hors norme du fait de son fonctionnement cérébral particulier depuis son plus jeune âge.

En d’autres termes, un patient HPI qui a eu l’opportunité de s’exprimer petit, et de recevoir l’écoute, la bienveillance et la confiance de son parent, aura d’autant plus de capacité à maitriser son excitation pulsionnelle et émotionnelle à l’âge adulte.

L’hyperesthésie

Ces oscillations émotionnelles puissantes font suite à une situation ou parole habituellement interprétée « par le commun des mortels » comme modérées, que ce soit dans sa valence positive comme négative.

Pourtant, son vécu émotionnel n’en tient pas compte et il aura tendance à exagérer (sans le vouloir) son vécu. Je retrouve ce point commun chez tous les patients HPI que j’accompagne, ils vivent des émotions hors norme qui se caractérisent par une variation souvent très exagérée, volcanique.

Cela pourrait être un marqueur d’autant plus fort, lorsque jeune, l’enfant HPI, n’a pas été reconnu et freiné tant dans son développement intellectuel qu’émotionnel.

L’hypersynthonie

La plupart de mes patients HPI ont précisément du mal à gérer cet afflux émotionnel. Lorsqu’ils reçoivent une bonne nouvelle, ils vont avoir tendance à sauter au plafond, et quelques instants après, à déterrer la hache de guerre avec une tirade totalement assassine si une parole ne leur plait pas.

Parallèlement, le sujet HPI est capable de passer du plus au moins en très peu de temps, généralement en quelques heures, parfois en quelques minutes : cela traduit une très grande perméabilité aux variations tant internes (émotions personnelles, fluctuation iatrogène) qu’externes (environnement, contexte, nouvelle...)

L’inconstance émotionnelle : quelle frontière entre sujet bipolarité et sujet HPI ?

Ces signes cliniques d’hyperesthésie et d’hypersynthonie, habituellement associés à des tableaux psychiatriques, n’ont d’ailleurs pas manqué de conduire certains patients à se penser « bipolaires » plutôt qu’HPI.  Or, ces deux signes cliniques sont communs à ces deux tableaux, même s’il existe des nuances spécifiques. Ainsi, il existe encore aujourd’hui de nombreuses errances thérapeutiques confondant troubles de l’humeur caractéristiques des sujets bipolaires avec les fluctuations émotionnelles des HPI.

Les patients bipolaires ont du mal à traiter de façon adaptée cet afflux sensoriel excessif, et se laissent emporter par les mécanismes du délire. Notons que statistiquement, la plupart des patients souffrant de troubles bipolaires sont également HPI, en revanche le contraire n’est pas vrai.

Il n’existe pas plus de HPI bipolaires dans la population globale que de HPI avec d’autres troubles psychiatriques ou sans trouble psychiatrique.

Si nous nous rapprochons de leur symptomatologie commune toutefois, l’hyperesthésie est donc « l’exagération physiologique ou pathologique de l’acuité visuelle et de la sensibilité des divers sens ».

Elle correspond davantage chez les HPI à un moindre filtre vis-à-vis d’un cerveau qui traite les informations de façon beaucoup plus rapide et simultanée que la moyenne.

Il s’agit d’une réactivité excessive de l’humeur face aux stimuli émotionnels auxquels il est confronté, donnant lieu à des réactions sociales du type : « mais pourquoi elle/il se met dans un état pareil, elle est vraiment hystérique / il est fou ! ».

Chez les patients bipolaires que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans un cadre plus hospitalier en revanche, cette grande acuité et réceptivité au monde n’apparait que temporaire.

Ils emprunteraient l’espace d’un moment (troubles maniaques) les mécanismes propres au HPI (au fonctionnement labile et cognitif particulier et constant), les rendant plus sensibles à leur environnement sensoriel et plus rapides pour les appréhender, mais de par la maladie psychiatrique moins en capacité de les analyser et d’en ressortir une interprétation adaptée.

L’hypersynthonie, par ailleurs, est en lien avec soi et la sensation spontanée que l’environnement et l’ambiance produisent en lui. La plupart de mes patients HPI adhèrent très rapidement et spontanément à l’ambiance affective du moment qu’elle soit en lien avec des personnes ou des environnements plus généraux (groupe, lieux, espaces..).

Ces sensations qu’elles soient dans leur valence positive ou négative les « attrapent tout entier » sans qu’ils n’y prennent garde, renvoyant l’image d’une variation d’humeur pouvant être perçue communément comme lunatique.

Le véritable talent méconnu des HPI 

Très labiles, les personnes HPI peuvent passer du désarroi le plus profond à un retour d’enthousiasme puissant, comme nous l’avons vu précédemment.

En fait, les personnes HPI loin d’être lunatiques ou inconstantes en matière émotionnelle, ont plutôt la capacité de passer du moins au plus très rapidement, elles rebondissent, ce qui leur confère une prodigieuse et très précieuse capacité de résilience.

La résilience émotionnelle

La résilience, selon le concept insufflé par Emmy Werner, psychologue aux USA dans les années 60, émane de l’étonnement qu’a produit un groupe d’enfants laissés à l’abandon, sans éducation, ayant pourtant réussi à apprendre à lire et à écrire seuls pour 28% d’entre eux, preuve de leurs ressources insoupçonnées et de leurs capacités adaptatives hors norme, malgré un environnement pauvre et une faible chance de réussite.

Boris Cyrulnic, ayant lui-même vécu une expérience traumatique en situation de guerre (déportation de ses parents juifs, puis sauvé et caché jusqu’à la libération), en a étayé par la suite le concept en lui apportant la définition suivante : «  la résilience témoigne de la façon dont une personne reprend un développement après avoir fait l’expérience d’une agonie psychique ».

Bien que les patients HPI ne soient pas placés nécessairement dans de telles situations traumatiques, ils ressentent des fluctuations émotionnelles hors norme, plus intenses que la moyenne de la population.

Dès lors, l’alternance et la coexistence de ce double mouvement (sensorialité exacerbée vis-à-vis du monde : l’hyperesthésie), assorties de cette formidable acuité sensorielle (de soi vers soi et de soi vers l’autre : l’hypersynthonie) permettent aux personnes HPI de décoder, pour ne pas dire décortiquer les détails du monde et des êtres, de même que les environnements dans lesquels ils évoluent ou les situations qu’ils traversent. En ce sens, ils témoignent eux aussi d’une certaine capacité de résilience.

L’empathie émotionnelle

Par ailleurs, la plupart de mes patients me disent régulièrement savoir bien cerner les gens et ont le  sentiment de ne se tromper que très rarement à ce sujet : « ils sentent les gens, les ressentent,  à la première rencontre ».

Ils perçoivent instantanément à qui ils ont à faire : que ce soit perçu sous forme de mots, de couleurs, de sensation émotionnelle agréable ou désagréable, de textures, de forme ou de formule mathématiques. C’est en eux, et c’est un fait non explicable…

Cela tient à leur grande faculté empathique ! Il s’agit bien là de la reconnaissance et de la compréhension des sentiments et des émotions d’autrui sans pour autant s’identifier à l’autre de façon projective (en résonnance avec son vécu personnel).

Il apparait ici une capacité de prise du recul, en somme : « je n’ai pas nécessairement besoin d’avoir vécu cette situation émotionnelle pour me la représenter et me connecter au périmètre affectif de mon interlocuteur ».

L’autre se sent entendu, écouté et compris, ce qui confère un grand pouvoir au sujet HPI à son insu, il ne le comprend pas toujours, ni ne le maitrise d’ailleurs dans les premiers temps où il l’expérimente.

Je remarque régulièrement la capacité de mes patients HPI à réunir plus ou moins consciemment ces données humaines et environnementales.

Ils sont alors capables d’en donner une lecture synthétique plus aiguisée : un mouvement, une forme, une dimension inconsciente, de nature invisible, voire anticipée qui reste insondable aux yeux de la plupart des gens.

Voici la raison pour laquelle certaines personnes HPI font si peur aux autres, la simple émergence de leur pensée atteint cette vérité invisible, inconsciente et ils en rapportent, tels des « sorciers anthropologistes », quelque chose de fort et vrai, sans préavis, source de tension et de mal être parfois chez ceux qui les côtoie et en font l’expérience.

Là apparait le pendant négatif de cet atout, tel « le côté obscure de la force ! » Car l’autre est démasqué aussi vite qu’il est vu, il est perçu dans son « moi profond » avec une facilité déconcertante.

L’autre se découvre à travers ce regard (du HPI) et comprend ou a accès à des formes insondables de son être profond à partir d’une composition brutale à laquelle il n’était pas préparé, et qu’il n’avait lui-même jusqu’à présent jamais pu explorer.

Voici l’un des grands dangers auquel s’expose le sujet HPI : voir avant autrui et dire sans y être invité, au risque de casser le lien, de faire peur voire de détruire.

Or, je tiens à préciser que tout talent exceptionnel induit en retour une grande responsabilité ! Et chaque personne qui en est pourvu n’a pas le droit d’en faire n’importe quoi... Encore faut-il le mesurer et l’accepter, puis en dessiner les contours d’application possible.

Le sujet HPI qui se connait bien (ou mieux) devra considérer que rien n’est plus déconcertant pour un être humain que de perdre la maitrise de la perception subjective qu’il a de lui-même, qu’il n’a pas le droit d’en forcer l’entrée sans consentement préalable. Lorsqu’il en fait lui-même l’expérience, il lui faut d’ailleurs beaucoup de temps pour se récupérer.

Dans la même veine, c’est aussi la raison pour laquelle je dis souvent aux détracteurs du travail psychologique, que loin d’être « faible » il faut un courage démesuré pour se mettre à nu et accepter d’être vu par un autre en lequel on remet sa confiance : le psychologue (ou psychiatre) thérapeute.

La résonnance émotionnelle

Les patients HPI qui acceptent de s’ouvrir à cette aptitude (et non de s’enfermer dans la phobie sociale pour s’en protéger ou protéger autrui), semblent parallèlement être interconnectés au monde, ou tout du moins à un certain microcosme de personnes, de proches, qu’ils soient de la même famille ou non.

Des liens s’établissent quoiqu’ils fassent ou pensent, ces informations de nature émotionnelle, sensorielle, sensitive leur parviennent sans qu’ils n’y soient préparés …

C’est à rebours que ces sensations particulières peuvent s’interpréter et à travers leur récurrence, fréquence et intensité que le doute finit par s’estomper quant à leur véracité.

Après de nombreuses séances, certains patients HPI expriment enfin leur hypersynthonie de la façon suivante, me faisant part de leur étonnement, ils en sont d’ailleurs toujours autant saisis à ce jour, lorsque certains phénomènes sensoriels se produisent…

Ils leur arrivent régulièrement de penser à une personne quelques minutes ou quelques heures avant d’être contacté par elle (parfois s’agissant de personnes avec lesquelles elles n’étaient plus en contact et qu’aucun événement spécifique connu n’a pu permettre d’anticiper rationnellement), ressentir des images mentales qu’elles soient en couleur, mots, textures ou impressions face à une situation qui s’est produite sur un lieu ou en résonnance avec une personne avec laquelle ils parlent…

De par ma pratique professionnelle, tous ces phénomènes, qui jadis m’interpellaient, et que je pouvais facilement associer à des expériences paranormales, ne me semblent à ce jour plus du tout inadaptés. Ils s’intègrent tout simplement au tableau des HPI. La science finira bien par l’expliquer un jour…

Il s’agit là probablement d’une sorte d’habileté spéciale, méconnue car invisible, insaisissable, inquiétante, parfois, tant la justesse de l’acuité émotionnelle ressentie et traduite vis-à-vis d’autrui est à propos.

Il s’agit là d’une empathie hors norme, qui rend ces sujets si attachants, fascinants et qui génèrent malgré eux un rayonnement autour d’eux, tel un grand pouvoir attractif dont ils aimeraient pour certains être départis tant la contrepartie peut parfois leur coûter.

Ma patiente, que j’appellerai Adèle, musicienne (violoniste) et chanteuse d’Opéra me dit combien elle souffre régulièrement de cette résonnance aux autres…

Elle se retrouve si fréquemment dans des situations de confidence, de projections et d’identification projectives de la part d’autrui (les autres se voient et se mirent en elle, forçant le passage et faisant intrusion). Adèle suscite également envie et de jalousie (elle est si belle et brillante, et dans tous les sens du terme), tant est si bien qu’elle se sent comme absorbée toute entière, privée de sa propre ressource et de sa richesse interne, ces personnes venant boire allègrement et sans fin à sa source.

Adèle travaille aujourd’hui à poser des limites et accepte seulement depuis peu de reconnaitre l’objet de convoitise duquel les autres profitent : sa douance émotionnelle !

Comme toute aptitude exceptionnelle, si elle est méconnue ou repoussée, elle deviendra rapidement un danger pour soi et pour autrui. Mal comprise, mal acceptée, cette prédisposition n’en sera que moins bien canalisée et source de vive anxiété pour soi comme pour les autres.

Pourquoi les HPI se trouvent si souvent en difficulté dans leur relation aux autres ?

Les sujets HPI ont tendance à se nourrir de relations fortes, et de sensations disproportionnées, elles rient trop fort, pleurent trop, sont (trop) souvent taxées de sensiblerie, durant l’enfance principalement puis possiblement dans leur vie d’adulte en lien avec leur partenaire.

Les sujets HPI recherchent souvent, pour ne pas dire spécifiquement, l’affection d’autrui de façon débordante et démesurée, ce qui peut se traduire par une sensation d’envahissement pour l’autre. De la même façon qu’une discussion ne pourra pas se suffire de 5 min, le lien à l’autre doit toujours s’éprouver de façon intense.

Ce type d’attitude au début d’une relation qu’elle soit de nature amicale ou amoureuse est bien souvent perçue de façon gratifiante, narcissisante, voire cette attitude peut amuser, surprendre, déconcerter, mais au bout du compte nombreux sont mes patients à me raconter l’issue défavorable que ce comportement officie au final sur autrui.

L’autre a tendance alors à prendre peur et s’enfuir. En revanche, pour celui qui la vit et qui l’initie, ce mode de lien à l’autre est juste normal, évident, ordinaire et habituel. Le sujet HPI traite les situations, la vie et les autres, de la même façon, avec la même intensité, avec la même investigation et recherche personnalisée.  

Or, cela procède de son mode de fonctionnement, il ne voit pas du tout ce qui peut gêner l’autre, car il a tendance à le penser identique à lui. En recherche d’harmonie et d’équité, il faudra du temps au sujet HPI avant d’accepter et de comprendre que tous les êtres sur terre ne sont pas tous égaux, et qu’ils sont même loin de l’être, et à tous niveaux.

Le sujet HPI voudra privilégier inconsciemment une relation fusionnelle, il aura aussi tendance à vouloir être trop convainquant et à faire en sorte que l’autre adhère totalement et uniquement à son propos quitte à utiliser des arguments très approfondis et à forcer le ton.

Le sujet HPI agit ainsi car il craint que l’autre n’adhère pas dans son intégralité à ce qu’il pense et croit. Il ne supporte pas que l’autre pense autrement que lui, car cela l’ampute, et lui fait vivre une réelle blessure narcissique, officiant alors progressivement un dysfonctionnement dans son lien à l’autre.

Or, il est important de comprendre pour un sujet HPI que malgré ses bonnes intentions, toute personne est en droit de ne pas adhérer à sa vision du monde, à ses idées, elle peut tout aussi bien contre carrer sa pensée et lui dire « non », sans vouloir le blesser et sans blesser du tout !

Cette opposition traduit une divergence de pensée ni plus ni moins et n’a aucune valeur dépréciative, ni visée de provocation.

Mais pour la plupart de mes patients HPI cet argumentaire défie sa pensée, cette hétérogénéité de fonctionnement psychique entre les êtres est au-delà de ses forces, cela ne tient pas et l’affecte profondément (colère, détresse, sentiment d’incompréhension, d’injustice, d’asynchronie du lien, de non-sens dans la relation, de désamour d’autrui…).

Car ils ont besoin de tout, tout le temps et sans attendre ! La frustration fait rage, et le besoin de compromission chez autrui est vivement attendu.

Le sujet HPI pense alors : « Si tu n’es pas de mon avis, c’est que tu n’as rien compris à qui je suis, tu ne peux donc pas m’aimer ! »

En recherche d’absolu, d’intensité affective, il est alors enclin à considérer qu’un avis en médiation, ou modéré lui apparaitra mou et inconsistant.

Ce sont bien entendu des comportements qui s’apprennent, qui ne vont pas de soi, qu’il faut apprendre à canaliser, à calmer, à replacer dans le contexte et dans leur bonne forme pour que les relations tant amicales qu’amoureuses puissent perdurer dans le temps.

Axes d’amélioration à rechercher si vous êtes HPI

Je travaille avec mes patients HPI à la prise en considération de la différence d’opinion comme un facteur enrichissant et non fragilisant.  

Lorsqu’un patient HPI fait une démarche thérapeutique, il peut attendre de son thérapeute une certaine empathie mais il ne doit pas rechercher sa complaisance, la seule personne à pouvoir faire évoluer le système dans lequel il se trouve ne peut être que lui. Impossible de faire bouger ou évoluer celui qui ne le souhaite pas et qui n’officie pas ce travail psychique de surcroit.

Il me semble important d’aider à cette prise de  conscience pour aider mes patients HPI à entreprendre ce changement, à modifier certains de leurs repères qui les font souffrir et qui mettent en péril leurs relations aux autres.

Car vouloir absolument imposer son propre mode de fonctionnement que ce soit dans le rythme, la lecture du monde, l’intensité émotionnelle tel un clone de soi-même… ne va pas dans le sens de l’amour pour autrui. Cette attitude est une recherche d’amour pour soi-même et seulement soi-même, mettant à nu la blessure narcissique qui en est à l’origine.

Or, cette façon de vivre et de vouloir imposer ses propres sensibilités demeure néfaste pour soi et entrave à terme toute relation saine qu’elle soit de nature, amicale, familiale, relationnelle ou amoureuse.

Calmer et canaliser les intempéries émotionnelles

Il vous faut absolument travailler à repérer les oscillations émotionnelles qui l’emportent, et mesurer  leur intensité pour les remettre à la bonne place, trouver une plus juste distance. Car cette labilité et exagération émotionnelle constante est usante pour vous et déstabilisante pour autrui. Elle finit par faire fuir toute personne susceptible de partager votre vie tant que vous ne parvenez pas bien à vous contenir. Il vous faudra accepter et apprendre à :

  • faire la part des choses : on a le droit de recevoir un refus ou une réponse alternative sans forcément que l’autre cherche à vous poignarder ou à paraitre indifférent à ses yeux ! Travaillez à ne plus prendre la critique contre vous mais plutôt « pour vous » !
  • vous mettre en situation de silence : en comptant une vingtaine de secondes avant de répondre pour éviter les tirades assassines en situation verbale. Si vous apprenez à vous murer dans le silence dans de telles situations émotionnelles susceptibles de vous faire exploser, vous parvenez alors conjointement à faire retomber l’angoisse qui vous envahit, ce qui vous permet d’analyser avec davantage de recul la situation et l’émotion intense qui en découle.
  • Si vous disposez maintenant de cette compétence, vous n’êtes plus sujet aux réponses en boomerang qui vous valent d’être encore plus agressif que le dit « agresseur » qui a suscité l’expression de cette oscillation émotionnelle en vous. Cela vous protège des discussions interminables à coup d’arguments qui s’avèrent de plus en plus cinglants et meurtriers à l’égard d’autrui.
  • enregistrez dans « brouillon » les réponses écrites par sms et mail avant de les envoyer, attendez parfois quelques heures ou jours pour le faire afin que la régulation émotionnelle et la prise de recul vis-à-vis de la situation aient pu faire leur œuvre.
  • faites des exercices de régulation (cohérence cardiaque), de relaxation, de sophrologie, de méditation ou yoga…

Petit complément au sujet de l’accompagnement émotionnel et éducatif des enfants HPI

  • Adoptez une stratégie éducative « positive » orientée sur la fermeté bienveillante, laissant l’enfant occuper une place responsable pour sa vie, et ce dès le plus jeune âge, tout en adaptant le contenu, la forme comportementale et verbale.

  • Ne vous laissez pas saborder ni trop influencer par les repères éducatifs d’autrui qui n’entrent pas en correspondance avec les votre ou qui ne sont pas adaptés au mode de fonctionnement HPI de votre enfant.

  • Même si votre enfant fonctionne plus vite que la moyenne, il reste un enfant, gardez toujours à l’esprit que votre enfant HPI a besoin de contenance, de bienveillance, de limites, de verbalisation et de mise en sens de ces limites, d’être écouté et entendu, d’être responsabilisé et encouragé à devenir autonome le plus rapidement possible.
  • Restez vigilant à maintenir la communication, même en situation de conflit, et restez proche de votre enfant afin que le lien de confiance et le sentiment d’unité familial soit absolu.
  • Faites pratiquer le théâtre ou toute activité artistique et sportive qui motive votre enfant pour lui permettre de s’exprimer, de le stimuler, de le détendre et de lui accorder d’autres repères sociaux que ceux de la famille rapprochée.
  • La sophrologie peut enfin être proposée dès deux ans aux jeunes enfants. Je conseille à ce sujet l’excellent livre : L’enfant et la Sophrologie d’Isabelle Lefèvre-Vallée ainsi que la box Balasana des émotions pour grandir en confiance, permettant tant aux parents qu’aux enfants de découvrir des expériences insolites et novatrices, conçues par Laurie Lejeune, sophrologue pour enfant sur Paris.
  • Enfin, si votre enfant HPI présente des fluctuations émotionnelles trop envahissantes, que vous le sentez trop en colère ou malheureux, n’hésitez pas à consulter et à lui offrir son espace de parole dans un lieu neutre auprès d’un psychologue thérapeute.

S’adapter au rythme de l’autre

  • Ce n’est pas parce qu’une personne HPI va vite dans la plupart de ce qu’elle entreprend que cette capacité s’invite dans tout et en toute situation, ni d’ailleurs que ce rythme est requis pour les autres. Les autres sont différents et savent faire autrement, ils ont d’autres champs de compétence et peuvent apparaitre complémentaires au long court.
  • Vivre avec une personne qui serait en miroir d’une personne HPI (ce qui arrive souvent ailleurs) est assurément stimulant les premiers temps mais rapidement chronophage en énergie et épuisant à la longue, voire très ou ultra compétitif, et donc très générateur de conflit d’influence et de pouvoir au quotidien.
  • Il est essentiel de savoir s’adapter et d’accepter que l’action se déroule différemment ce qui ne signifie pas que cela est moins bien fait ou moins efficace pour autant. Si la personne HPI continue à imposer son rythme, l’autre se sent particulièrement écrasé voire annihilé et c’est le conflit quotidien assuré dans le lien amoureux tout du moins. L’autre n’a pas le même rythme et le respecter permet d’envisager un contrat de couple gagnant/gagnant.
  • Pour connaitre le rythme de cette dyade, encore faut-il connaitre le sien propre, d’où la nécessité de cette introspection personnelle, être sincère avec soi-même et rechercher en soi-même son/ses axes d’amélioration.

Se protéger des situations professionnelles à risque

Les patients HPI que j’accompagne ont souvent été maltraités dans leur enfance ou vivent encore en  tant qu’adulte des situations de malveillance, il convient de les repérer et de s’en dégager en sachant dire stop ou non, même s’il s’agit d’une relation hiérarchique par exemple :

  • Au travail, pour lutter contre le burnout, il est indispensable de prendre conscience des intentions de son employeurs et des missions qui lui sont/seront confiées. Dans certaines entreprises, le sujet HPI est repéré avant tout comme un atout susceptible de produire des bénéfices et vis-à-vis duquel il peut être tiré profit de sa grande capacité et spécificité de travail. Aussi, je vous invite à vous référer au dossier qui traite de cette question dans un autre de mes articles.
  • En synthèse, il s’agit de repérer les signes précurseurs tels que la démotivation professionnelle, la fatigue psychique, le sentiment d’anesthésie affective, les troubles cognitifs et somatiques comme étant des points d’alerte incontournables pour anticiper et prévenir le burnout.
  • Ne plus accepter la surcharge de travail de crainte d’être vécu comme un mauvais professionnel, ralentir le rythme quoi qu’il en coute.
  • Prendre des congés régulièrement en petite quantité pour souffler et prendre du recul.
  • Et peut-être aussi être sincère avec soi-même, éviter de fuir la situation au vu de rester acteur de ses choix et décisions. La prise de risque professionnelle vaut parfois mieux que de « se laisser mourir à petit feu ».

Repérer et tamiser ses relations affectives

Sur le plan affectif, il peut parfois être nécessaire de prendre de la distance si vous sentez que la relation est inéquitable, et que l’autre profite de votre grande empathie et des savoirs dont vous pouvez lui faire bénéficier. Parfois, les relations amicales ne sont pas ce qu’elles sont dès le départ, vous vous êtes vous-même fourvoyé et cela n’est pas de la responsabilité de l’autre, et vous devez dès lors repositionner le lien à sa juste place :

  • s’agit-il d’une relation amicale « utilitaire » pour l’un ou l’autre et donc inégale par essence  puisqu’elle prendra nécessairement fin dès que l’utilité ne sera plus de mise, ou est-ce plutôt une relation « plaisir » plus équitable car fondée dès le départ au creuset d’une activité ludique qui en rapproche les deux parties, est ce enfin une relation véritable, celle qui demeure encore plus difficile à dépeindre et à trouver que l’amour sincère diraient les philosophes ?
  • A vous de mieux évaluer comment juger vos relations et veiller à ne pas prétendre ce qu’elles ne sont pas … Car votre désir n’est pas nécessairement la réalité, même si vous l’espérez ardemment.  Dans ce cas, il faudra peut-être se résoudre à « rétrograder certaines personnes dans votre patchwork affectif ». Ce n’est ni grave ni humiliant mais simplement plus juste pour tout le monde et moins générateur de rancune ou d’espoirs frustrés.
  • Il sera peut être nécessaire, vis-à-vis d’autres amicalités moins sincères, ou vous donnant le  sentiment d’être placé sous emprise, de manifester davantage d’indifférence vis à vis de ces situations fédératrices de charges trop affectives, en les replaçant dans leur contexte, en repérant les discours dissonants et malveillants, en acceptant de s’éloigner des personnes qui sont toxiques, qui créent du mal être même si cela est très difficile, travailler à la juste distance vis-à-vis de la place et du rôle affectif de chaque personne dans votre vie, en reconstituant votre réseau amical sur des bases plus saines.

Bien se connaitre soi-même pour accepter la différence et en tirer profit

  • Pour que sa relation se passe bien, il sera nécessaire de modifier certains comportements et cela passe inévitablement par la déconstruction, la transformation, le remodelage de certains schémas profonds. Il faut accepter que l’autre soit différent et reconnaitre les qualités inhérentes à chacun.
  • Reconnaitre ses propres qualités en tant que sujet HPI, c’est aussi accepter que l’autre n’en soit pas nécessairement pourvu et qu’il en ait d’autres, complémentaires aux siennes. Impossible de lui demander de se vêtir de qualités, de compétences qu’il n’a pas. Il n’y a rien de grave à ceci, il est juste nécessaire d’en avoir conscience pour éviter de le reprocher à son/sa partenaire.
  • En revanche, continuer à lui demander des choses impossibles, le place dans un grand malaise, un véritable inconfort de vie commune. Quand il n’est pas possible d’envisager que l’autre n’emprunte pas le même chemin, et croit mordicus qu’il est en capacité de le faire, il se réfugie dans un leurre qui inflige à l’autre un sentiment d’impuissance et de culpabilité quotidien. En acceptant juste de se répartir les tâches et projets de vie commune avec un rapport sincère à ce qui sera décidé d’un commun accord entre chaque partie, c’est à cette condition seule que le lien amoureux notamment peut perdurer et se développer harmonieusement dans le temps.

A toutes fins utiles, la connaissance de soi, la régulation de ces fluctuations d’humeur et  l’accueil de ces questions existentielles peuvent tout à fait trouver leur place via un support thérapeutique…

Qu’il se réalise dans le cadre d’un travail psychologique, ou bien encore de l’art-thérapie à travers l’expression d’une recherche artistique de quelque nature qu’elle soit, via le support qui parlera le mieux, permettant simultanément de développer ses talents.

Ne cédez pas à la torpeur du repli en vous-même. Eveillez vos sens et faites grandir vos talents,  car quelle que soit la forme que vous ferez revêtir à votre essence profonde, vous ferez assurément écho à tous ceux qui se reconnaissent en vous.

 

Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute enfant/adulte.