Le Transfert Psychologique

 Définitions et visée du transfert psychologique: 

Sigmund Freud           Selon S. FREUD, les phénomènes du transfert sont « de nouvelles éditions, des copies des tendances et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients par les progrès de l'analyse, et dont le trait caractéristique est de remplacer une personne antérieurement connue par la personne de l'analyste ». 

            En d'autres termes, le transfert correspond à un lien affectif intense qui s'instaure, de façon automatique, du patient à l'analyste en situation de psychothérapie « face à face » ou sur le divan (cure analytique). Au décours de ce lien affectif symbolique se concrétise la subjectivité du patient, c'est-à-dire que ses représentations, son idéalisation, ses désirs, ses peurs, ses projections mentales, ses identifications et rejets se traduisent en la personne du thérapeute.... L'analyste ou le psychothérapeute est alors vécu comme un support, tel un miroir réfléchissant, sur lequel peuvent se projeter les fantasmes de son patient. Entendons par fantasmes, désirs, peur, angoisses, malaise, joie, ....

            Finalement, « si j'éprouve parfois de l'énervement, de l'admiration, de la crainte, de l'idéalisation.... sans pouvoir en comprendre le sens de façon rationnelle envers la Personne de mon thérapeute, c'est que je projette en lui les émotions et sentiments que j'éprouve vis-à-vis de la Personne à laquelle il me fait penser (mon père, ma mère, mon frère, ma sœur...) au moment où j'aborde un thème particulier ». 

            C'est à travers cet éprouvé émotionnel et l'interprétation qu'en fera le thérapeute que le « transfert » prendra tout son sens. Cette analyse aura son importance pour l'évolution du patient au regard de sa problématique, le thérapeute ramenant progressivement et indirectement à la conscience de son patient les mouvements affectifs qui le traversent.

Caractéristiques du transfert en psychothérapie:

             La survenue de ce lien affectif est intense et instantanée. Cette sorte de subjectivité émotionnelle est incontournable et indépendante de tout contexte de réalité. Le transfert ne fait pas l'objet d'une recherche volontaire de la part du patient, cela s'impose à lui inconsciemment. Certaines personnes ne sont pas sensibles à ce type de manifestation symbolique et ce sont souvent ces mêmes personnes qui évitent le cadre de cure analytique ou de psychothérapie. Car pour être dans cette démarche, il convient de la part du futur patient d'accepter voire de rechercher ce phénomène particulier.

Par ailleurs, la Personne du thérapeute est positionnée en place et lieu de l'Autre possédant la connaissance, ayant le savoir, selon J. LACAN. Le travail analytique supposerait dès lors que le patient recherche inconsciemment en son thérapeute cette fonction du savoir, savoir au sens de la connaissance de la Psychologie et de la Psychanalyse, mais également savoir au sens de comprendre avant le patient lui-même ce qui se joue en lui. Ce transfert annonce par la même la quête permanente de voir satisfaire les questions du patient par son thérapeute, qui, idéalisé par son patient, serait porteur de toutes les réponses. La résolution de transfert pourra s'officier lorsque le patient aura acquis la conviction qu'il est en mesure de trouver de façon autonome ses propres réponses aux questions qu'il se pose.

Le transfert : côté patient/ côté thérapeute 

            L'analyste a pour mission de repérer quelle figure il représente symboliquement pour son patient. Notons, qu'il endosse préférentiellement une figure parentale féminine si le thérapeute est une femme et inversement si c'est un homme. Le thérapeute est sensé disposer de ce type de savoir et l'interpréter progressivement et subtilement au décours du travail analytique avec son patient. Au début, le patient est comme aveuglé par ces phénomènes transférentiels qui s'imposent à lui inconsciemment. Il oublie complètement que la réalité du cadre analytique n'a rien à voir avec l'événement ou la situation vécue autrefois et qui avait suscité son affect. Le contre transfert chez le thérapeute est également à l'œuvre. Il s'agit des mouvements affectifs qu'il éprouve à l'égard de son patient et qu'il doit être en mesure d'analyser afin d'éviter de les projeter sur lui, afin de se rendre disponible.

            L'analyste de par sa distance, ses silences, son attention ciblée et la conviction qu'il n'est là que pour remplir un rôle (transfert affectif, duplicata d'une personne familière pour le patient) auquel il se prête, va permettre au patient, dans l'après coup de comprendre et d'analyser ces mouvements.

            Le patient peut comprendre progressivement ce qu'il joue et rejoue régulièrement comme scène psychique (entendons problématiques et conflits internes) sur la personne de son analyste. Le thérapeute, par son analyse personnelle, sera quant à lui en mesure d'identifier en lui, les relations qu'il a tissé avec son environnement, ce qui lui appartient et ce qui est distinct de lui lorsque le patient aborde les questions qui lui sont personnelles. Ceci reste la condition indispensable pour que l'analyste soit disponible et à l'écoute de son patient avec sa subjectivité propre.

Qu'advient-il du transfert en dehors du cadre thérapeutique ?

             Le phénomène de transfert demeure constant. Il est omniprésent dans les relations humaines, que ce soient au niveau des relations professionnelles, affectives, familiales, sociales, hiérarchiques, amoureuses... Dans ce contexte, les deux personnes en présence sont assujetties de la même façon à ce transfert affectif et n'ont pas la possibilité de se voir interpréter ces phénomènes de la même façon qu'un thérapeute. Les deux personnes qui se rencontrent n'en n'ont pas conscience, c'est pourquoi parfois, certaines réactions émotionnelles (trop) fortes, et ne répondant pas adéquatement au contexte, peuvent résonner affectivement de façon inadaptée, laissant l'interlocuteur dans l'incompréhension face à son attitude. Cette rencontre des reliquats fantasmatiques entre deux personnes peut se nommer plus communément « feeling » dans les représentations groupales. 

             Voilà pourquoi, lors d'un entretien d'embauche par exemple, seule les trente premières secondes suffisent à se faire une idée (subjective) de la personne qui postule et du futur manager rencontré. Pour ce qui concerne les compétences professionnelles, elles seront analysées par d'autres voies que celles du champ affectif, mais ne primeront pas nécessairement pour rendre une décision. 

             Dès lors, ne pas être embauché(e) ne signifie pas toujours ne pas correspondre au poste sollicité mais serait bel et bien une affaire plus mystérieuse et  soustraite au « raisonnable », ce qui ne manque pas de susciter un sentiment d'injustice chez la plupart de ceux qui s'en trouveront recalés.   

             La rencontre amoureuse ne déroge pas à cette loi du transfert affectif et trouve généralement sa source à travers les résurgences œdipiennes. L'admiration et l'idéalisation éprouvée pour la Personne convoitée (le conjoint, son professeur, une amie...) font régulièrement l'objet de réminiscences inconscientes au regard du premier objet d'amour : à savoir son parent du sexe opposé.

            L'amoureux(se) ne ressemble pas nécessairement (physiquement et/ou psychologiquement) à son parent mais la personne projette en cet Autre une part de ces fantasmes sur lui/elle. C'est à ce titre que la « lune de miel » se veut idyllique pour un temps puis sera rapidement perturbée au regard du déclin passionnel. La relation d'amour s'inscrit par la suite dans un temps où le désir se veut plus en phase avec le réel, en la reconnaissance de ce que l'Autre n'est pas tout à fait comme il avait été perçu aux origines de la rencontre.

           Finalement, accepter que cette déception/désidéalisation ne soit pas le fait du conjoint (qui aurait changé...), mais bel et bien liée à l'affaissement progressif de son propre transfert, accueillera dans le même temps une relation amoureuse authentique et durable. 

 

Céline Bidon-Lemesle, 
Psychologue Clinicienne, Thérapeute Familiale, Formatrice.